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LE MALADE, LE MÉDECIN ET LA MORT : L'ARRÊT DU TRAITEMENT

On peut, en revanche, observer qu'à la différence de l'euthanasie active l'arrêt
du traitement n'est pas, en droit, un processus irréversible. S'il intervient sur
demande du malade, celui-ci a toujours le droit de modifier sa décision. Et, dans
les autres cas, il semble logique de reconnaître le même droit au médecin bien que
ni la loi actuelle, ni la proposition Claeys-Léonetti ne contiennent de disposition,
à ce sujet. C'est, du reste, ce que préconise la Société de réanimation de langue
française : « Une décision de limitation ou d'arrêt de traitement peut toujours
être reconsidérée et/ou annulée, en cas d'arguments nouveaux susceptibles de
modifier la décision. Le processus d'annulation doit alors être identique à celui
ayant conduit à la prise de décision »12. Ce principe constitue une garantie importante de respect des droits du patient, même si l'on est conscient qu'en pratique
il ne peut qu'exceptionnellement trouver à s'appliquer.
Les deux députés proposent également que la loi reconnaisse expressément que
« la nutrition et l'hydratation artificielles constituent un traitement ». Ils ne donnent
en ce sens d'autre argument que la position prise par le Conseil d'État dans la première décision qu'il a rendue le 14 février 201413. Si cette proposition a le mérite de
ne pas réveiller une controverse, il n'est pas certain qu'elle mette un terme à celle-ci.
Sans doute les travaux préparatoires de la loi Léonetti permettent-ils de considérer
que l'interprétation consacrée par le juge administratif répond à la volonté du législateur. Au surplus, ainsi que l'indiquait le rapporteur public dans ses conclusions sur
l'affaire Lambert, est-elle conforme à la position adoptée par la Cour suprême des
États-Unis, la Chambre des Lords britannique, la Cour de cassation italienne. Il
n'empêche ! Hors même toute considération d'ordre philosophique ou religieux,
l'inclusion de la nutrition et - encore plus - de l'hydratation artificielle dans les
traitements doit se concilier avec le fait que, comme le rappelle le CCNE dans ses
observations sur l'affaire Lambert, « il s'agit aussi de soins palliatifs, ou mieux dit de
soins de support et d'accompagnement, tout simplement de soins humains premiers ». Les arrêter s'inscrit, certes, dans la logique du processus de survenance de la
mort qui a été décidé, mais ne risque-t-il pas, en plus d'une occasion, de contrarier
l'obtention d'une mort apaisée que le législateur entend promouvoir ?

B. La mort apaisée
Une mort apaisée, c'est d'abord une mort qui s'accompagne du minimum de
souffrance physique et morale. Si notre mémoire sociale a retenu l'idée que le christianisme affirmait que « la souffrance a en elle-même valeur rédemptrice », ce serait
à tort affirment les représentants de l'Église catholique14. Aussi, dans notre société,
l'accord est réalisé sur l'impérieuse nécessité de combattre la douleur physique et la
souffrance morale. Il s'est traduit dans la loi qui, depuis la loi Kouchner du 4 mars
12. SFLR, Recommandations 2009 précitées, point 7.
13. AJDA 2014, p. 790, chr. de jurisprudence A. Bretonneau et J. Lessi ; Revue de droit
sanitaire et social 2014, p. 506, D. Thouvenin, RFDA 2014, p. 255, concl. Lambert.
14. O. de Dinechin, L'Église catholique et le traitement de la douleur, Concours médical,
10 décembre 1994, p. 3514.
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