Précis Domat - Histoire du droit des affaires - 3e - 147

PANORAMA DES AFFAIRES AU XVIIIE SIÈCLE

imitée de la Banque d'Angleterre, une banque générale, mais privée, à laquelle le
gouvernement français donnait un privilège, celui, pendant vingt ans, d'émettre des
billets de banque remboursables à vue et au porteur, d'une valeur nominale fixée
en monnaie de compte : « je m'engage à payer au porteur la somme de tant de
livres, signé : Law ». C'est donc la première fois que l'on voit en France des billets
de banque, de la monnaie de papier. Ce procédé semble bien accepté du public, qui
fait confiance à Law et connaît la valeur des dépôts en garantie dans sa banque. La
banque de Law se développe et devient, en 1719, la Banque royale.
Malheureusement pour elle, la Banque royale est incorporée définitivement
dans un système plus vaste, et on va lui faire émettre jusqu'à trois milliards de
livres de billets. Ces billets circulent bien au porteur ; les gens acceptent cette
« monnaie de confiance ». Mais lorsqu'on saura que le reste du système de Law
ne marche pas, que les actions des fameuses compagnies coloniales du Mississippi
s'effondrent, cette partie gangrenée du système attaquera la banque. Les gens, perdant confiance dans le « Mississippi », vont perdre confiance aussi dans la banque
et dans ses billets, ils iront tous ensemble retirer leurs dépôts ou se faire rembourser
leurs billets. Comme Law ne peut pas suffire à ses engagements, on donne cours
forcé aux billets. C'est la banqueroute de Law. Beaucoup de gens n'ont pas été
remboursés de leurs billets de la Banque royale, ce qui explique la méfiance des
Français dans les années qui suivent pour toute forme de monnaie fiduciaire, et
l'arrêt de ce genre d'expérience pendant un certain temps.
La France perd là un organisme bancaire, centralisateur, régulateur, qui faisait
aussi de l'escompte au commerce. Pendant une cinquantaine d'années, la France
n'a plus de billets de banque. Il y a toujours la monnaie de compte officielle qu'il
faut payer en pièces d'or ou d'argent, et l'escompte se fait au hasard.
Les idées de Law conservent une certaine audience. C'est notamment le cas du
contrôleur général Le Peletier des Forts. C'est ainsi qu'il cherche à favoriser la
relance économique afin que les finances royales atteignent un équilibre. Pour y
parvenir, il compte s'appuyer à la fois sur une hausse des actions de la Compagnie
des Indes et sur le rôle de la Bourse comme vecteur de la reprise. Un système est
mis en place avec la complicité de deux banquiers, Antoine Davezies et Jean-Pierre
Bertrand. La découverte du scandale ne peut que susciter la réprobation, surtout
quelques temps après la chute de Law. Le Peletier est renvoyé et le discrédit sur
les activités boursières se traduit par une interdiction des marchés de bourse à
terme, privant la France des bénéfices de l'essor du capitalisme boursier au cours
du XVIIIe siècle30.
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La Caisse d'Escompte31. - Turgot, Premier ministre du début du règne
de Louis XVI, connaît la gravité de ces inconvénients pour le commerce. Décidé à
relancer le commerce en France, Turgot recherche une banque qui puisse recréer la
confiance dans le papier-monnaie. Il fait appel à un de ses amis, le banquier suisse

■ 30. G. A
, « Les manœuvres boursières du contrôleur général Le Peletier des Forts et la réglementation du marché des valeurs mobilières (1730) », in RHDFE, t. 62, 1984/1, p. 577-597.
■ 31. Th. C , « Financiers, banquiers de la Cour et les caisses d'Escompte ou l'évolution des rouages
NTONETTI
LAEYS

du crédit de la monarchie d'Ancien régime », in « De Jacques Cœur à Renault », Gestionnaires et organisations, Troisièmes Rencontres 25 au 25 novembre 1994, Toulouse, PUSST, 1995, p. 63-91, spéc. p. 86-91.
R. BIGO, La Caisse d'Escompte (1776-1793) et les origines de la Banque de France, Paris, PUF, 1927.

Deuxième partie : Le droit d'une économie préindustrielle

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