Précis Domat - Histoire du droit des affaires - 3e - 234

HISTOIRE DU DROIT DES AFFAIRES

par un raisonnement subtil qui tourne la difficulté : le commerce des lettres de
change étant, parce que profane, interdit aux gens d'Église, celles qu'ils auraient
pu signer ne pourraient être considérées comme telles. Pour d'autres représentants
de la doctrine - Toubeau, Jousse - le clerc qui a signé une lettre de change a
renoncé ipso facto à ses privilèges et peut encourir les rigueurs de la justice commerciale. Il est pourtant rare de voir des ecclésiastiques passer devant les juridictions consulaires.
Plus intéressante pour la suite du droit français, est l'attitude observée envers la
capacité de la femme et celle du mineur.
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La femme « marchande publique »56 peut s'obliger valablement et même
obliger la communauté sans autorisation maritale. Signant une lettre de change,
elle prenait les mêmes engagements qu'un homme et même s'exposait à la
contrainte par corps. Il en était de même pour les femmes célibataires ou veuves
« non marchandes publiques » sauf que l'Ordonnance sur la Procédure civile de
1667 les exemptait de la contrainte par corps. La femme mariée, tout au moins
dans les régions régies par la Coutume de Paris ou les coutumes s'en inspirant, ne
pouvait aux XVIIe et XVIIIe siècles s'obliger en règle générale sans autorisation maritale. Aussi, sans l'autorisation de son mari, ne pouvait-elle tirer une lettre de change
qui l'obligeât vis-à-vis du porteur, ni passer un ordre au profit d'un tiers, ni accepter une lettre de change. La doctrine, Savary, plus tard Pothier, et même la jurisprudence, semblent unanimes en ce sens.

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Le mineur commerçant « réputé, majeur du fait de son commerce et banque »
(art. 2 du titre Ier de l'Ordonnance) signait valablement les lettres de change, tombait sous les rigueurs du droit cambiaire et encourait évidemment la prison pour
dettes comme un adulte. En ce qui concerne le mineur non commerçant, la question
fut longtemps controversée57. Du fait de sa signature sur une lettre de change, tombait-il sous le coup des règles spéciales du droit de change ? Des arrêts du Parlement de Paris (1697, 1702) jugèrent en ce sens. Tel n'était pas l'avis de Savary ni
de l'avocat général Lamoignon qui considéraient qu'ainsi il serait aisé de tromper
les mineurs en leur faisant signer des lettres de change pour des obligations qu'ils
n'avaient pas le droit de contracter. La jurisprudence et la doctrine finirent par suivre ces derniers même dans les pays de droit écrit (Midi de la France) où pourtant
la question se compliquait en raison de la puissance paternelle, et où certains parlements rigoureux ne donnaient pas aux mineurs le bénéfice de la restitution et les
mettaient en prison. Le Code de 1807 (art. 114) entérinera la jurisprudence dominante : toute lettre de change souscrite par un mineur non commerçant sera nulle.

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2) La provision. - C'est le nom que l'on donne à la valeur se trouvant entre les
mains du tiré et appartenant au tireur ; elle est présupposée dans la lettre de change
dans le mécanisme de laquelle elle est essentielle.

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56. A. SLIMANI, « La femme marchande publique : coutumes, jurisprudence, doctrine (XVIe-XVIIIe siècles) », in La femme dans l'histoire du droit et des idées politiques, textes rassemblés par P. CHARLOT,
E. GASPARINI, Dijon, Éditions universitaires de Dijon, 2008, p. 93-121.
57. Rappelons que l'âge de la majorité civile était alors en général fixé à 25 ans. La majorité commerciale pouvait commencer à 21 ans.

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