Précis Domat - Histoire du droit des affaires - 3e - 331

LES FORMES NOUVELLES DU CAPITALISME

qui leur fait pénétrer des secteurs qui nous paraissent actuellement du seul ressort
de l'État ou des collectivités locales. L'État, suivant l'idéologie libérale, devait laisser alors au secteur privé beaucoup de choses. Les compagnies d'assurances ont
normalement pris le relais pour remplir certaines fonctions. Ont-elles fait tout cela
par charité chrétienne, du moins par philanthropie ? Cet aspect n'est pas à nier dans
la mentalité du XIXe siècle. Elles permettaient en effet aux gens de se prémunir
contre le malheur, la vieillesse, les risques. Mais aussi les compagnies d'assurances
se rendaient compte que si elles modifiaient certaines attitudes dans le comportement des Français, elles pourraient arriver à éviter des sinistres, donc à faire des
bénéfices plus élevés.
675

Ainsi les compagnies d'assurances ont-elles favorisé la création et le perfectionnement de corps de sapeurs-pompiers, sans aller pourtant, comme leurs homologues anglais, jusqu'à avoir leurs propres compagnies de pompiers. Elles ont fait
énormément pour le sanitaire de la France, pour l'hygiène : dispensaires, services
médicaux. Les individus, vivant plus vieux, paieront plus longtemps leurs primes
d'assurance sur la vie. Elles ont également beaucoup construit, participé à l'immobilier, d'abord dans un but spéculatif, mais aussi parce que l'État le leur imposait
pour la solidité de leurs placements. Une grosse partie du patrimoine immobilier
français a été constituée par les compagnies d'assurances. Il suffit pour s'en assurer
de se promener dans les beaux quartiers de Paris et de noter le nombre des plaques
sur les grands immeubles de rapport : « Propriété de la Nationale-Vie », « Propriété
de la Cie d'Assurances Générales ».

676

Les rapports déjà assez étroits entre compagnies d'assurances et État, l'avantage
pour l'un l'autre de se contrôler, expliquent la présence de nombreux assureurs
dans les plus hautes fonctions publiques. Les liens sont constants au XIXe siècle
entre assurances et politique. Laffitte, Casimir Perier, fondateurs de compagnies
d'assurances, sont présidents du Conseil sous Louis-Philippe et les chefs du parti
libéral. Fould, président du conseil d'administration de l'Union, sera ministre pendant presque toute la durée du Second Empire. Dufaure, ministre de la IIe République, président du Conseil à deux reprises sous la IIIe, reste longtemps à la tête
de la Compagnie d'Assurances Générales.

677

Malgré cela, l'État se doit de garder un œil sur les compagnies d'assurances. Sous la Restauration, on vit sous les dispositions - relativement strictes - du
Code de commerce. La plupart des compagnies d'assurances à primes fixes sont
des sociétés anonymes et elles doivent, comme telles, recevoir l'autorisation de
l'État pour se créer. Mais, en 1867, la grande loi sur les sociétés transforme le
Code de commerce dans la partie qui visait les sociétés par actions. Elle établit un
système plus libéral - les sociétés anonymes n'ont plus besoin d'autorisation pour
se créer -, mais en revanche fondé sur l'auto-contrôle : celui des actionnaires sur
leur société. Pourtant, à l'intérieur des sociétés anonymes, le gouvernement distingue le cas des compagnies d'assurances.

678

La loi de 1867 et les compagnies d'assurances. - L'État ne peut en effet permettre aux grandes sociétés que sont les compagnies d'assurances, chez qui les
petits épargnants français placent leurs économies - en particulier dans les
Troisième partie : Du Code de commerce de Napoléon aux débuts du XXe siècle

331

Précis Domat - Histoire du droit des affaires - 3e

Table des matières de la publication Précis Domat - Histoire du droit des affaires - 3e