Précis Domat - Histoire du droit des affaires - 3e - 43

L'ANTIQUITÉ CONNAÎT DÉJÀ UN DROIT COMMERCIAL

Les produits au cœur des échanges sont essentiellement des textiles, de l'argent, de
l'or et de l'étain31. Les circuits de distribution suivent les étapes de l'expansion
assyrienne vers l'ouest (Syrie, Phénicie, Palestine, Transjordanie, Arabie et
Égypte), vers le nord (le sud de l'Anatolie), le sud (Babylone) et sud-est (le Nordouest de l'Iran)32. Le droit assyrien apparaît déjà plus perfectionné que celui
de Babylone. Les Assyriens ont notamment créé des comptoirs en Anatolie dont
le plus connu est celui de Kaneš (l'actuelle Kültepe en Turquie). L'une des spécificités de ce commerce international est de faire des profits plutôt que de vendre des
produits locaux pour se procurer ce qui fait défaut pour subsister. Les conditions
sont avantageuses pour les marchands assyriens qui viennent vendre de l'étain et
des étoffes et réalisent des bénéfices à hauteur de 100 voire 200 % en fonction du
produit. Les intervenants dans ce commerce sont nombreux, avec un rôle précis
pour chacun. On trouve ainsi des investisseurs, des prêteurs, des garants et des
transporteurs.
Les formes contractuelles pratiquées s'ordonnent autour d'opérations relevant
du contrat de louage de personne qui relève de la notion générale de prêt et d'autres
qui se rapprochent du contrat de société. Dans le premier cas, celui qui met en place
et qui conduit la caravane reçoit une rémunération sous la forme d'un prêt. Cette
somme lui permet d'acheter des marchandises, le plus souvent du textile, acheminées jusqu'à Kaneš. Sur place, la vente des biens est faite pour son compte. La
garantie du prêt repose sur sa force de travail mais une clause pénale l'oblige
aussi à rembourser et à contribuer à son remplacement s'il vient à rompre unilatéral
l'engagement. Dans le second cas, une distinction sépare les opérations à court
terme et celles qui s'inscrivent davantage dans la longue durée. Pour les activités
isolées, deux formes sont pratiquées. D'une part, l'entreprise-ellatum, qui repose
sur un regroupement de marchands afin d'organiser une seule caravane, permet
un partage des bénéfices proportionnés au montant des investissements de chaque
associé. D'autre part, une forme d'association33 circonstanciée, dénommée tappa'utum, réunit un financier avec des marchands auxquels il prête de l'argent. On
retrouve une pratique déjà effective à Babylone. Les activités qui s'installent dans
le long terme suivent le régime du contrat-narruqum. Ce terme désigne le sac dans
lequel les investisseurs placent leur contribution exprimée en quantité d'or. Ce dernier a une valeur comptable, une valeur de thésaurisation. L'intérêt est notable car
la valeur en or est doublée par rapport à celle en argent. Autrement dit, l'apport est
multiplié par deux en raison de la conversion en or. La somme est ensuite remise à
un marchand pour une longue période en vue de développer leur commerce, de
faire fructifier le capital et de dégager des bénéfices. L'intuitus personae joue un
rôle primordial dans cette association et l'établissement du contrat intervient à
Aššur en présence d'un officier de l'administration, ce qui permet de connaître la
provenance des fonds. La nature du contrat-narruqum s'apparente à celle du contrat

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31. M.-L. NOSCH, H. KOEFOED, E. ANDERSSON STRAND, Textile production and consumption in the
ancient Near East. Archeology, epigraphy, iconography, Oxford, Oxbow Books, 2013.
32. S. GASPA, Textiles in the Neo-Assyrian Empire. A study of terminology, Boston/Berlin, De Gruyter,
2018, p. 110.
33. C. MICHEL, Vis Associations commerciales, in Dictionnaire de la civilisation mésopotamienne, Paris,
Robert Laffont, 2001, p. 86-88.

Première partie : Genèse du droit des affaires

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