Contextes - Les blogs juridiques et les enjeux d'une dématérialisation de la doctrine - 148

144 QUESTION D'ACTUALITÉ : SUIVRE L'ACTUALITÉ JURIDIQUE

les noms, prénoms et éventuellement la qualité des signataires ; et celles
qui ajoutaient à ces éléments la mention « n.o. » (pour « nihil obstat », ie.
« rien ne s'oppose »58). Dans certains cas des commentaires plus développés
pouvaient accompagner la signature. La mention, ajoutée par les soutiens de
B. Fleury ou, à travers lui, de J.-M. Carbasse signifiait une adhésion des plus
sarcastiques au propos du manifeste et visait à compter les troupes et ridiculiser le texte. Le but fut en partie atteint, au prix d'une confusion certaine :
des lauréats du concours, par exemple, signèrent « n.o. » simplement parce
qu'ils craignaient la mise en cause leur propre succès, et non pour se ranger
sous l'une ou l'autre bannière. Au sortir de cette ténébreuse affaire, le blog
L'Actualité de l'Histoire du Droit ferma (cessa d'abord d'être actif, avant
de disparaître) et la division de la discipline entre droite et gauche se trouva
excitée au plus haut point. Trois victimes restaient donc sur le carreau : ledit
major du concours, dont le récent retour d'un exil presque volontaire ne
permettra pas qu'il soit un enseignant-chercheur comme un autre ; le blog ;
la concorde de l'histoire du droit française (pour ne rien préciser de son
image désastreuse de discipline d'extrême-droite, à l'extérieur).
Il n'est pas temps de juger ce cas, qui le serait mieux de l'extérieur de
la discipline et qui ferait les délices d'un sociologue. D'un point de vue
juridique, le candidat était dans son droit stricto sensu. Il est par ailleurs
sain qu'une personne condamnée, la peine étant purgée ou la condamnation amnistiée, ne soit pas indéfiniment marquée d'infamie, sans quoi il
convient de revoir tout à fait plusieurs principes fondamentaux du droit
pénal et notamment ce qui concerne l'amendement et la réinsertion (et il
faut renoncer au « droit à l'oubli » sur Internet). Il ne saurait être question,
pour l'auteur de ces lignes, de mettre sur le même plan les engagements
d'extrême-droite et d'extrême-gauche, toutefois et sans contradiction on
peut exiger un droit à l'oubli égal59.
Ces considérations sont pourtant loin de régler toute la question en ce
qu'elle implique de manœuvres et de stratégies, de luttes idéologiques et
institutionnelles de mauvais aloi, en ce qu'elle révèle de l'état sociologique
et idéologique de la discipline, de son tropisme féodal, à cette période.
Faut-il ajouter qu'alors autant qu'à présent l'histoire du droit reste au
nombre des disciplines rares et menacées et que ces happenings ne plaident
guère en sa faveur ? Faut-il insister enfin sur ce que ceci abîme le concours
58. La formule renvoie à l'imprimatur autrefois donnée par le censeur ecclésiastique à la
publication d'un ouvrage et signifiant qu'il ne contient rien de contraire aux enseignements
de l'Église catholique : nous sommes entre gens de culture ! le « n.o. » posait ses utilisateurs
en censeurs du propos du manifeste, tout en se référant à l'autorité de la religion. En outre,
il y avait quelque ironie à faire suivre une signature d'adhésion du mot « no ».
59. à l'exclusion des actes imprescriptibles, bien entendu, mais il ne s'agit pas de cela en
l'espèce.

Contextes - Les blogs juridiques et les enjeux d'une dématérialisation de la doctrine

Table des matières de la publication Contextes - Les blogs juridiques et les enjeux d'une dématérialisation de la doctrine