Contextes - Les blogs juridiques et les enjeux d'une dématérialisation de la doctrine - 226

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QUESTION DE POINT DE VUE

universitaire. Toutefois, faute de littérature sur le sujet, il ne s'agit là que
d'une hypothèse qui, pour vraisemblable qu'elle soit, mérite d'être vérifiée.
Pour l'heure, les juristes québécois ne semblent pas disposés à voir dans
les publications de blogs de la littérature juridique de nature doctrinale. Ici,
sans doute beaucoup plus qu'en France, seuls les textes publiés dans des
revues ou ouvrages avec comité de lecture semblent pouvoir être considérés comme des publications doctrinales. C'est l'évaluation par les pairs,
exercé par ces canaux, qui contribue spécifiquement à faire d'un auteur un
membre de la doctrine. Toute autre contribution sera nécessairement jugée
de moindre valeur et ne pourra peser autant dans l'avancement de la carrière
du professeur. En effet, même s'il fait partie des fonctions du professeur
de carrière de contribuer à ce que l'on appelle le « service à la collectivité »
21
ou « contribuer au rayonnement universitaire »22 en se prononçant dans
les médias, presse écrite, radiophonique ou télévisuelle, ces contributions
d'experts ne sont pas considérées comme doctrinales. Leur objet est plutôt
d'éclairer le public sur des questions parfois brûlantes, avec un souci évident
de vulgarisation. Or, s'il est vrai que cette fonction professorale pourrait tout
aussi bien s'accomplir en contribuant à un blog, elle demeurerait toujours
exclue de la doctrine23.
Ainsi le contenu des blogs juridiques ne jouit-il pas d'une grande considération, à moins que ce ne soit le support lui-même qui prive a priori le
contenu de toute valeur. Certains juristes estiment en effet que ceux qui
s'expriment par la voie des blogs se décrédibilisent totalement et c'est tout
juste si l'on admet que l'on consulte des blogs juridiques. À ce jour, un
universitaire n'oserait pas citer le contenu d'un blog juridique dans une
publication. Et que dire des tribunaux ? Le style judiciaire québécois, hérité
du Common Law, permet aux juges, même de droit civil (mixité oblige),
de s'appuyer explicitement sur la doctrine dans leurs décisions. La Cour
d'appel du Québec ou la Cour suprême du Canada citeraient-elles l'opinion
qu'un auteur aurait défendue sur un blog ? Probablement pas, de sorte que
21. Outre les deux fonctions principales d'enseignement et de recherche du professeur,
les conventions collectives qui les régissent prévoient également des fonctions moins essentielles quoique tout aussi obligatoires que sont les services à la collectivité. À l'Université
de Sherbrooke, le service à la collectivité comprend l'ensemble des activités externes de
nature universitaire qui contribuent à la réputation de la professeure ou du professeur et
au rayonnement de l'université.
22. Comme le prévoit la convention collective des professeurs de l'Université de Montréal.
23. D'ailleurs, il existe déjà au moins un blog de cette nature, celui de Pierre Trudel,
professeur de droit des médias et de droit des technologies de l'information à l'Université
de Montréal, crée sous la bannière d'un journal populaire de la presse écrite. Voir Pierre
Trudel, Blogue : http://blogues.journaldemontreal.com/pierretrudel. Comme en témoigne
le tout premier billet du blog, les contributions de l'auteur ne s'inscrivent en rien dans une
démarche doctrinale. Il s'agit ici de vulgarisation et de pédagogie à destination du grand
public. Voir « Ici il sera question des droits et des lois », en ligne sur : http://blogues.journaldemontreal.com/pierretrudel/droit/ici-il-sera-question-des-droits-et-des-lois

http://blogues.journaldemontreal.com/pierretrudel http://www.blogues.jour http://www.naldemontreal.com/pierretrudel/droit/ici-il-sera-question-des-droits-et-des-lois

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