Contextes - Les blogs juridiques et les enjeux d'une dématérialisation de la doctrine - 92

88 QUESTION DE STYLE : L'ÉCRITURE DU DROIT SUR LES BLOGS

par son horizontalité, et le dialogue se noue facilement, indépendamment
de toute préoccupation hiérarchique.
Dans un blog, ce sont essentiellement les commentaires qui devraient
conférer un contenu doctrinal à la publication, car ce sont eux qui sont le
support du débat. Hélas, chacun sait et ce fut l'objet de l'une de nos discussions, que les commentaires sont d'un intérêt inégal. Le débat réellement
juridique est rare, et apparaît comme une pépite que l'on trouve miraculeusement au milieu d'une masse de propos relevant souvent du café du
commerce et parfois de l'analyse psychiatrique. Certains auteurs de blog ont
d'ailleurs supprimé les commentaires, estimant qu'ils n'apportaient rien au
débat juridique et portaient atteinte à la visibilité de leur démarche. D'autres
préfèrent une modération qui leur permet de supprimer les commentaires
injurieux ou délirants. En tout état de cause, le problème demeure identique
et on est contraint de constater que le débat doctrinal ne se développe que
de manière très marginale dans les commentaires.
En réalité, le débat se développe dans la blogosphère, c'est-à-dire dans
ce milieu constitué par ceux qui utilisent internet comme support de leurs
écrits. Là encore, nous savons que la blogosphère est un espace de liberté,
et que l'on trouve aussi bien des blogs d'experts de très haut niveau dans
des disciplines parfois pointues, mais aussi l'autodidacte qui croit connaître
le droit, voire l'étudiant qui le découvre. Ce mélange, cette diversité, sont
la richesse des blogs.
Il ne fait aucun doute que le débat se développe dans la blogosphère et
qu'il peut être d'excellente qualité. On a même vu apparaître des colloques
virtuels et on sait, par exemple, qu'un certain nombre de blogs juridiques
se sont réunis en 2013, à l'initiative de « Combats pour les droits de
l'homme » pour donner leur position sur le statut du rapporteur public
dans la procédure devant la Conseil d'État. La diversité des points de vue
exprimait parfaitement les termes du débat et cette initiative s'est révélée
très enrichissante.
Sur ce point, la blogosphère porte en elle une potentialité de complet
renouvellement des échanges entre chercheurs. À sa manière, elle condamne
les colloques classiques auxquels n'assistent plus guère que les intervenants
et qui peinent de plus en plus à attirer un public extérieur, colloques et qui
seront probablement peu à peu remplacés par des échanges virtuels.
La perspective d'un complet renouvellement des échanges est séduisante, mais la liberté des blogs conduit aussi à une prolifération de sites
dont on ignore parfois les auteurs. L'anonymat est très répandu sur les
blogs, sans doute trop. Même si l'auteur demeure responsable civilement
et pénalement de ce qu'il écrit, même sous pseudonyme, son anonymat lui

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