Grands Colloques - Les figures du juge administratif - 109

CATHERINE TEITGEN-COLLY

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Ainsi qu'il s'agisse de garantir l'exécution de la chose jugée ou d'assurer
la cohérence et la sécurité de l'ordre juridique, c'est en définitive au nom
de l'efficacité de la justice administrative que le juge administratif s'efforce
d'être pédagogue pour expliquer tant à l'administration la manière d'exécuter une décision, qu'aux juges, voire à l'opinion publique35, le contenu
et le sens d'une décision et en particulier lorsqu'il s'agit pour le Conseil
d'État de faire par un arrêt d'Assemblée œuvre normative. Dans quelle
mesure cependant cet effort d'explication s'adresse -t-il aussi aux justiciables ? Le temps où l'un des plus éminents présidents du Conseil d'État,
le président Odent, pouvait dire que « les motifs [des décisions du juge]
bien souvent n'intéressent que les juristes » n'est plus. Déjà le Huron sous
la plume de Jean Rivero, rappelait que « nous autres bons sauvages, nous
sommes des esprits simples et, nous pensons que la justice est faite pour
le justiciable et que sa valeur se mesure en termes de vie quotidienne. Ce
n'est pas le développement du droit qui nous intéresse, c'est la protection
efficace qu'en tire le particulier »36. Qu'en est-il désormais ? Les décisions de
justice demeurent-elles des énigmes pour les justiciables ou satisfont-elles
par leur rédaction à l'exigence du droit de chacun à la justice ?

II - LA PÉDAGOGIE DANS LA DÉCISION,
CONDITION DU DROIT DU JUSTICIABLE
À LA JUSTICE
Dans son discours d'installation dans ses nouvelles fonctions, le viceprésident du Conseil d'État prenait précisément acte en 2007 du « grief
souvent » adressé au Conseil d'État « de se préoccuper moins [...] de la
condition du justiciable que de poser des principes destinés à guider de
manière presque intemporelle l'action de l'administration ». Répondant
avant tout à l'objectif de plus grande efficacité de la justice administrative,
le souci de pédagogie qui s'exprime désormais dans les décisions du juge
administratif se déploie en effet davantage en direction de l'administration
et des juges que du justiciable. Certes celui-ci recueille nécessairement les
fruits de cette jurisprudence pédagogique en bénéficiant d'une meilleure
exécution des décisions de justice et d'une plus grande cohérence et sécurité
35. Voir au-delà des décisions citées, l'analyse très didactique et précise du Conseil d'État
sur la fin de vie dans l'affaire Lambert tant en référé (CE, Ass., 14 février 2014, n° 375081)
qu'au fond (CE Ass., 24 juin 2014) Mme Lambert et autres, n° 375081, 375090 et 375091.
36. « Le Huron au Palais Royal, ou réflexions naïves sur le recours pour excès de
pouvoir », D. 1962, chronique p. 37. Sur cette question, voir La Modernisation de la justice
administrative en France, dir. M. Paillet, Larcier, 2010.
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