Grands Colloques - Les figures du juge administratif - 113

CATHERINE TEITGEN-COLLY

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Il arrive toutefois mais exceptionnellement que le juge renonce à cette
règle de l'économie de moyens pour des raisons qui ont pu être analysées
comme pédagogiques47 ou tout aussi exceptionnellement, que la loi lui
interdise d'y recourir dans un intérêt également « pédagogique »48. Ainsi le
code de l'urbanisme impose au juge lorsqu'il annule pour excès de pouvoir
ou suspend l'exécution d'acte en matière d'urbanisme de se prononcer
sur l'ensemble des moyens soulevés qu'il estime susceptibles de fonder
cette annulation ou cette suspension (art. L 600- 4-l)49. Il s'agit par là de
permettre que les parties au litige soient éclairées sur 1'ensemble des vices
susceptibles d'entacher la légalité de l'acte contesté. Cet intérêt pédagogique
n'a toutefois pas conduit à l'abandon général de ce principe de l'économie
de moyens, le rapport Martin ayant seulement préconisé de synthétiser
dans la décision les moyens écartés.
Le juge peut par ailleurs se dispenser de se prononcer sur des moyens
qu'il juge inopérants, qui pourtant ne sont pas toujours « inoffensifs »50,
sans donner davantage d'explication sur les raisons de cette qualification51.
Tel est le cas de moyens qui même fondés, sont sans rapport avec le litige,
ou sans influence sur la légalité de l'acte car l'administration était tenue de
le prendre (compétence liée) ou qui se heurtent à une disposition législative.
Tel est également le cas lorsque le juge fait application de la théorie des
vices non substantiels qui lui permet de neutraliser une illégalité comme
n'étant pas, parce que non substantielle, de nature à justifier l'annulation de
l'acte. La plus grave limitation en la matière concerne l'inopérance devant
le juge des référés du moyen tenant à l'incompatibilité de la loi avec une
convention internationale. Par la formule « eu égard à 1'office du jugé des
référés » et sans donner davantage d'explication52, le juge entérine alors
l'inopérance. « Étrange survivance de la théorie de l'écran législatif antérieur
à Nicolo »53, cette inopérance cède cependant lorsque le juge a conclu par
une décision définitive à l'incompatibilité de la disposition législative avec
la norme internationale ou lorsque l'incompatibilité invoquée concerne le
47. R. Chapus évoque quelques cas d'annulation fondée sur un double moyen (par
exemple CE Ass., 9 septembre 1993, Marot, R. 627, CE, 27 septembre 1985, GISTI, R. 260)
pouvant traduire de la part du Conseil d'État « de façon intéressante, une intention pédagogique, une double raison d'annuler » (op. cit. p. 967).
48. Me Pittard, Rapport d'information n° 18 de la commission des affaires économiques
et du plan sur la réforme du droit de l'urbanisme à mi-parcours, Sénat 11 octobre 2000.
49. CE, 16 juin 2004, Sté laboratoire de biologie végétale Yves Rocher, R. 913.
50. M. Revert, « Les moyens inopérants sont-ils vraiment inoffensifs ? », AJDA 2011, 771.
51. Le rapport du CE sur la rédaction des décisions (préc.) préconise une explication en
quelques lignes sur cette inopérance
52. CE, 30 décembre 2002, Carminati pour un référé suspension et CE, 21 octobre 2005,
Mme Allouache pour un référé liberté.
53. R. Abraham in Juger l'administration, administrer la justice : Mélanges en l'honneur
de Daniel Labetoulle 2007, p. 7.

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