Grands Colloques - Les figures du juge administratif - 138

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LA COMMUNICATION DU JUGE ADMINISTRATIF

B. Faire savoir
Cette seconde finalité s'inscrit plus directement dans une perspective
pédagogique : le juge communique pour faire connaître ses décisions. Cette
finalité a une double dimension : d'une part, faire savoir au public qu'une
décision a été rendue ; d'autre part, fournir des explications sur le sens de
cette décision.
Dans cette perspective, le juge souhaite particulièrement éviter que
ses décisions soient mal comprises ou caricaturées par ceux qui ne sont
pas des « avertis ». Sur ce point, il n'est pas inutile de rappeler que c'est
une décision mal comprise qui a conduit le Conseil d'État à renforcer sa
communication vers le grand public. Par une décision de sous-sections
réunies en date du 27 juin 200815, le Conseil avait rejeté la demande d'une
requérante souhaitant l'annulation du décret lui refusant l'acquisition
de la nationalité française pour défaut d'assimilation. Les médias se sont
largement fait l'écho de cette décision : « Pas de nationalité française pour
une femme en burqa » (Le Figaro)16 ; « Une Marocaine en burqa se voit
refuser la nationalité française » (Le Monde)17 ; « Une Marocaine se voit
refuser la nationalité française parce qu'elle porte la burqa » (Libération)18 ;
« Elle porte la burqa, la nationalité française lui est refusée » (Le Point)19. Le
Conseil d'État aurait pu se féliciter de cette couverture médiatique ; il s'en
est au contraire inquiété au motif que sa décision avait été mal comprise par
les auteurs de ces articles. Dans le texte de la décision, il n'est en effet jamais
question de la tenue vestimentaire de la requérante. De manière relativement lapidaire, le Conseil d'État affirme que cette dernière « a adopté une
pratique radicale de sa religion, incompatible avec les valeurs essentielles
de la communauté française (...) ». Dans ses conclusions20, le rapporteur
public met en avant plusieurs éléments pour attester de la radicalité de cette
pratique, notamment l'appartenance de la requérante au courant salafiste de
l'Islam et le fait qu'elle menait une « vie presque recluse et retranchée de la
société française »21. Si l'on suit le raisonnement du rapporteur public, le
port du voile intégral22 n'est pas en soi la marque du défaut d'assimilation.
15. CE, 27 juin 2008, Mme Mabchour, req. n° 286798, AJDA 2008, p. 2013, note Patrice
Chrestia.
16. Le Figaro, 12 juillet 2008.
17. Le Monde, 11 juillet 2008.
18. Libération, 11 juillet 2008.
19. Le Point, 12 juillet 2008.
20. E. Prada-Bordenave, conclusions non publiées.
21. Concl. préc.
22. Sur ce thème, voir Conseil d'État, Etude sur les possibilités juridiques d'interdiction
du port du voile intégral, Rapport adopté par l'Assemblée générale plénière du Conseil
d'État le 25 mars 2010.

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