Grands Colloques - Les figures du juge administratif - 15

AVANT-PROPOS

juridiction administrative, d'abord aux décisions des Conseils de préfecture
puis au Conseil d'État pour devenir un principe général de procédure
s'imposant sans texte « à toutes les juridictions » sauf disposition législative
expresse. Elle est désormais consacrée par l'article L.9 du Code de justice
administrative qui de manière lapidaire indique que « les jugements sont
motivés ».
Alors que l'obligation de motiver exige du juge qu'il indique les motifs
de fait et de droit qui fondent sa décision, les décisions du juge administratif
se sont longtemps caractérisées par un laconisme qui les a distinguées de
celles du juge judiciaire. Serrigny souligne ainsi en 1865 dans son Traité
de l'organisation de la compétence de la procédure en matière contentieuse administrative, qu'« il n'en est pas des décisions du conseil d'État
comme celles de la cour de cassation. Cette cour expose presque toujours
les raisons détaillées des solutions qu'elle adopte : on voit qu'elle ne craint
pas de faire de la doctrine, et qu'elle veut convaincre ceux qu'elle juge. Le
conseil d'État au contraire, ne donne presque jamais de motifs développés
des arrêts qu'il prononce [...]. Il faut bien souvent deviner le motif vrai de
solutions très justes d'ailleurs ». Laferrière en 1887 dans son Traité de la
juridiction administrative et des recours contentieux, Béquet en 1891 dans
son Répertoire de droit administratif et plus tard Jèze confirment cette différence9. Cette concision du juge administratif et la prudence qui l'inspire
sont défendues par Hauriou qui s'en fait le chantre. Rivero la justifie encore
en 1954 au motif que le juge administratif aurait « moins à convaincre qu'à
informer » l'administration à qui il s'adresse10. Des voix plus critiques se
font pourtant entendre à partir des années cinquante mais elles restent
dépourvues d'influence sur la pratique rédactionnelle du juge, du moins
jusqu'aux premières années du nouveau siècle, où « la juridiction administrative entre en matière de motivation dans une ère nouvelle »11.
Pédagogue, le juge s'efforce en effet désormais de l'être, sinon toujours,
du moins dans les plus importantes de ses décisions ainsi que le montre
Catherine Teitgen-Colly. Cette volonté pédagogique s'est directement
exprimée à travers la réflexion engagée par le vice-président du Conseil
d'État sur la rédaction des décisions qui a conduit, au motif que le mode de
rédaction « ne permet plus au juge administratif de rendre compte le plus
clairement possible à un public plus large de l'application qu'il fait d'un
droit toujours plus complexe »12 à l'adoption en avril 2012 d'un rapport sur la
rénovation du mode de rédaction des décisions du juge administratif. Membre
du groupe de travail que présidait le conseille d'État Philippe Martin,
9. Sur ces diverses références, voir F. Blanco (préc) ainsi que le Rapport précité du Conseil
d'État (annexe 2 p. 91).
10. J. Rivero, « Le Conseil d'État, cour régulatrice », D.1954, p. 157.
11. R. Chapus Droit du contentieux administratif, 13° édition, 2008, p. 1064.
12. Rapport sur la rédaction des décisions du juge administratif, p. 6.

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