Grands Colloques - Les figures du juge administratif - 26

LES FIGURES DU JUGE ADMINISTRATIF

pour dériver vers un contrôle de l'opportunité, soit que l'entreprise lui
paraisse « excessivement périlleuse »47.
Enfin, pour achever cette déambulation déjà trop longue et pourtant, sur
un tel sujet, abusivement elliptique, je souhaite souligner deux évolutions
de l'office du juge qui me semblent, sans frontière entre les contentieux,
se manifester. La première, qui résulte également des réformes législatives de 1995 et de 2000, concerne la volonté toujours plus grande du
juge d'expliquer les conséquences nécessaires de ses décisions, afin que
celles-ci soient mieux appliquées. Un tel courant jurisprudentiel se dégage
très nettement dès les décisions Société Toulouse Football Club, Vassilikiotis
et Titran48 des mois de juin et juillet 2001. Il n'est pas dépourvu de lien
avec les projets et les expérimentations sur la rédaction et la motivation
des décisions du juge administratif qui s'inscrivent, plus largement, dans
une démarche non point de remise en cause de son identité, mais de plus
grande pédagogie sur le raisonnement suivi par le juge. Celui-ci n'oublie pas
en effet qu'il parle aux parties, mais aussi - en raison du pouvoir normatif
de sa jurisprudence - aux autres juges, à la communauté juridique et à la
société dans son ensemble.
Le second point que je souhaite mentionner concerne la relation qu'entretient le juge avec les parties. De nombreuses réformes ont, on le sait,
conduit à transformer, ces dernières années, le procès administratif. L'une
des lignes directrices est celle de l'organisation « d'un débat contentieux
sans piège et sans surprise »49. La possibilité ou l'obligation de rouvrir l'instruction suite à la production d'une note en délibéré50, le fait que le juge
ne puisse procéder d'office à une substitution de base légale sans avoir
mis les parties à même de présenter leurs observations51, l'obligation de
recueillir ces observations préalablement à l'usage d'office du pouvoir de
modulation dans le temps des effets de l'annulation prononcée52 sont autant
de balises sur la voie d'un débat sain et serein, car exempt de « coups de
théâtre contentieux »53. Va dans le même sens la récente décision Chambre

47. Conclusions A. Lallet sur CE, Ass., 12 avril 2013, Association Coordination
Interrégionale Stop THT et autres, n° 342409.
48. CE, Sect., 25 juin 2001, Société à objet sportif « Toulouse Football Club », n° 234363,
Rec. p. 281 ; CE, Ass., 29 juin 2001, Vassilikiotis, précitée ; CE, 27 juillet 2001, Titran,
n° 222509, Rec. p. 411.
49. A. Bretonneau et X. Domino, « Chronique de jurisprudence du Conseil d'État. De la
loyauté dans le procès administratif », AJDA, 2013, n° 32, p. 1276.
50. Voir notamment CE, 12 juillet 2002, Leniau, précité et CE, Sect., 27 février 2004, Préfet
des Pyrénées-Orientales c. Abounkhila, précité.
51. Décision El Bahi précitée.
52. Décision Association AC ! précitée.
53. A. Bretonneau et X. Domino, op. cit.

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