Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 2 - 140

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MÉTHODE D'INTERPRÉTATION ET SOURCES EN DROIT PRIVÉ POSITIF

fixer, a priori, les limites du domaine, où peut s'exercer la censure de la Cour
suprême, et de celui où elle doit s'abstenir de pénétrer. Non seulement la distinction
de Cournot ne trouve aucun appui positif dans les textes, qui ont organisé la
Cour de cassation ; mais elle me paraît manquer tout à fait de la rigueur nécessaire,
pour opérer une délimitation aussi essentielle, que celle qu'on lui fait produire42.
Et, au surplus, Cournot, convenant lui-même qu'elle ne saurait être absolue43, lui
dénie par là l'unique supériorité, à laquelle elle eût prétendre. J'estime donc, qu'il
faut refuser, à la distinction ainsi proposée, l'effet de pouvoir, de préférence à la
distinction traditionnelle, séparer impérativement le champ d'examen ouvert à la
Cour suprême, de celui qui reste réservé à la souveraineté des juges du fond.
Ce n'est pas à dire, cependant, qu'il n'y ait rien à retenir de cette distinction
ingénieuse. Je crois, tout au contraire, que nous devons nous inspirer de sa pensée
fondamentale, pour achever de préciser le rôle de la Cour de cassation, en matière
d'interprétation juridique.
181. En admettant que la Cour de cassation pût exercer son contrôle sur l'ensemble de l'interprétation juridique, je n'ai pas entendu dire, qu'elle dût brutalement casser toute décision, contrariant, dans une mesure quelconque, ce qu'elle
tiendrait pour conforme à notre droit positif, en vertu de quelque source ou par
quelque procédé de méthode que ce fût. Il s'agissait, d'abord, de préciser les termes
et de fixer, pour ainsi dire, le maximum, de son action possible ; et, c'est à ce point
de vue, que j'ai déclaré sa compétence, susceptible de s'étendre à toute solution de
droit. - Il y a lieu, de nous demander, maintenant, dans quelle mesure, il devra lui
convenir, d'user de la faculté de censure, qui lui appartient, de façon aussi large.
Ici, je ne me dissimule pas, qu'à beaucoup, sinon à tous, la question, telle que
je la pose, paraîtra fort étrange. En général, on se représente la mission de la Cour
suprême, comme la plaçant en présence d'une alternative, bien plus catégorique :
Étant donné un jugement, qu'on défère à sa censure, cette haute juridiction doit
d'abord écarter tout ce qui rentre dans l'appréciation souveraine des juges du
fond. Et, si elle rejette le pourvoi de ce chef, c'est, qu'en réalité, elle se reconnaît
incompétente. Mais, du moment qu'elle n'a pas relevé pareille fin de non-recevoir,
et qu'elle tient la question, à elle soumise, pour une de celles, qu'il lui appartient
de réviser, elle devrait absolument se prononcer sur le mérite de la décision, rendue en droit. Est-elle en dissentiment avec les juges du fond, elle devrait casser
sans pitié. Toutes les fois, au contraire, qu'elle rejetterait le pourvoi, ce serait, de
sa part, une confirmation de la solution juridique, donnée en dernier ressort. - Sans doute, on est loin de s'entendre, sur la délimitation du domaine de
l'appréciation souveraine, fixant indirectement le champ de la cassation possible.
Et, - sans parler de l'opinion, presque abandonnée aujourd'hui, qui, s'en tenant
à la pensée primitive de l'institution, n'admet le contrôle suprême, qu'en vue de
réprimer la contravention expresse à la loi, - indépendamment encore de la
manière de voir, la plus répandue, excluant de ce contrôle la violation de maximes
ou principes juridiques non consacrés par un texte, la fausse application de lois
étrangères sans violation de la loi française, la méconnaissance de coutumes non
appuyées à la loi... etc. (voy. ci-dessus, nos 45, t. I, p. 96-97 et nos 178-179, t. II,
p. 199-201), - on a pu, non sans quelque apparence de raison, soutenir que la
42. Voy, les explications et les exemples présentés par Cournot, op. cit., t. II, 1851, p. 171-173.
43. Essai sur les fondements de nos connaissances, n° 299, in fine, t. II, 1851, p. 174-175.
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