Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 2 - 145

VALEuR RESPECTIVE DES DIVERS MOYENS DE L'INTERPRÉTATION

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des cas analogues, son droit de contrôle56, c'est simplement, qu'elle arrivait à
mieux isoler le droit du fait, et à distinguer les solutions générales et abstraites
des appréciations particulières et contingentes. Il y avait là, seulement, un nouveau témoignage du lien, presque indestructible, rattachant au règlement juridique proprement dit les faits, qui en forment le contenu nécessaire. (Voy. ci-dessus n° 180, t. II, p. 204-206).
Mais, on peut citer d'autres hypothèses, où, placée en face d'une véritable
décision de droit, et n'y découvrant pas une atteinte suffisamment nette à la loi ou
aux principes du droit positif, la Cour suprême a rejeté le pourvoi, formé contre
elle, sans s'approprier formellement sa doctrine, ni lui en opposer positivement
une autre, semblant dès lors réserver la question. - J'observe cette prudente
manière de faire, dans un arrêt de la Chambre des requêtes, du 11  mars 1896,
statuant sur la préférence à établir entre deux acquéreurs successifs du même
immeuble, dont les contrats, parvenus en même temps à la Conservation des
hypothèques, avaient été transcrits dans l'ordre inverse de leurs dates respectives57,
aussi bien que dans un arrêt de la Chambre civile, appelée à apprécier une décision prise sur le domicile de la tutelle d'un enfant naturel, pour fixer la compétence du conseil de famille qui l'organise58.
La même tendance apparaît plus nette encore, à propos des questions les plus
controversées, rentrant dans le conflit international des lois (lato sensu) privées.
Et ici, se marque, de plus, une évolution curieuse, répondant bien aux desiderata,
que j'exprimais plus haut. - Pendant longtemps, frappée sans doute de l'incertitude et de l'inconsistance des théories du droit international privé, la Cour de
cassation évite d'engager son opinion sur ces questions. Et, du moment qu'on ne
lui présente pas une méconnaissance formelle de la loi française, elle rejette volontiers les pourvois, formés en ces matières, sans prendre nettement parti dans les
controverses59. Peu à peu, à mesure que les doctrines se confirment et se précisent,
elle précise elle-même sa jurisprudence et finalement arrive à formuler des solutions positives. - Qu'il me suffise d'en rapporter une application typique, relative
à la question, bien connue, de savoir quelle loi doit régir l'étal et la capacité de
l'étranger en France. On sait, que cette question n'est pas prévue in terminis, sous
cette forme générale, par le Code civil de 1804, qui, dans son art. 3 al. 3, résout
seulement, au profit de la loi française, la question inverse, se posant, quant à
l'état et la capacité des Français à l'étranger. Aussi, en 1833, appelée à apprécier
une décision, qui paraissait avoir méconnu, à propos d'obligations contractées en
France par une femme étrangère, l'incapacité, édictée contre celle-ci par sa loi
nationale, la Cour de cassation déclarait-elle, que cet arrêt ne pouvait avoir violé
l'art. 3 C. civ. franç., et rejetait le pourvoi formé contre lui60. En 1860, au contraire,
elle proclame, comme une « conséquence du principe, reconnu par l'art. 3 C. civ.,
56. Ainsi, dans la question de l'appréciation des caractères de la possession susceptible d'effets
juridiques ; - sur laquelle, voy. Baudry-Lacantinerie et Tissier, De la Prescription. n° 297, 2e édit.,
1899, p. 189-192. - Voy. pourtant, encore : Req. rej., 1er mars 1899, Sir, 99-1-320.
57. Req.  rej., 11  mars 1896, Sm. 98, 1, 92. - Voy., quant à la portée de cet arrêt, la note de
L. Balleydier sous Orléans, 4 mars 1896, Sir. 98, 2, 25 ; notamment, p. 28, col. 2.
58. Civ.  rej., 10  novembre 1896, D.  P. 99, 1, 209 ; - avec la note de Léon Michel, qui paraît
s'étonner tort de la réserve de la Cour suprême, ibid., p. 209, col. 2.
59. Comp. Demangeat, dans Journal du droit internat. privé, de Clunet, 1874, t. I, p. 12-16.
60. Civ. rej., 17 juillet 1833, Sir. 33, 1, 663. - Cpr. Ch. Brocher, Étude sur les principes généraux
de l'interprétation des lois, 1862, p. 119.
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