Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 2 - 17

LES SOuRCES FORMELLES Du DROIT PRIVÉ POSITIF ET LEuR INTERPRÉTATION

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que tout esprit, un peu large et souple, s'en rendra compte ; et le résultat de la discussion, qu'on allègue, devient, par elle, d'une clarté suffisante22.
Par-dessus tout, - et en me plaçant même en dehors des lois, qui ont consacré l'effet des Codes, - m'abstrayant de toute recherche d'une intention subjective
du législateur, trop obscure pour s'imposer à nous, - quittant la sphère de l'interprétation du texte pour entrer dans celle de la libre investigation scientifique (voy.
ci-dessous, troisième partie, chap. II), - je dis que, pris en soi, comme œuvre de
liquidation juridique dans un intérêt social élevé, le fait de la codification ne pouvait laisser intacte l'autorité des précédents, sur les matières qu'elle embrassait. Et,
cela me paraît s'imposer, surtout, pour une codification, telle que la nôtre, qui, à
la différence de celle de l'Allgemeines Landrecht23, par exemple, ne laissait aucune
place aux diversités locales et aux autres causes de complication juridique.
Ces considérations, qu'il me paraît inutile de développer davantage, me
conduisent à la conclusion suivante :
Dans le domaine, embrassé par nos codifications, c'est-à-dire, si nous nous
en tenons toujours au droit privé, pour les matières civiles, faisant l'objet des titres
du Code, réunis par la loi du 30 ventôse an XII, pour toute la procédure civile
(art.  1041 C.  proc.  civ.  franç.), pour toutes les matières commerciales (loi du
15 septembre 1807), ou pour toutes autres matières juridiques, codifiées par des
lois plus récentes (ex. : art. 218 Code forestier, etc.), les traditions, antérieures à
chacune de ces codifications, ne conservent pas aujourd'hui la force créatrice,
qu'elles avaient autrefois. Et, si l'interprète peut et doit s'en servir, pour éclairer
ses recherches, et diriger son jugement, il ne doit, ni ne peut, les considérer comme
des autorités, qui, par elles-mêmes et à elles seules, justifieraient suffisamment sa
décision. Non seulement, ces autorités restent discutables, comme telles, mais
elles ne puisent leur efficacité juridique, que dans le bien-fondé des vues, sur lesquelles elles reposent.  Et, dans toute la force du terme, on peut dire d'elles, en
employant les expressions du procureur général Dupin24, qu'elles ne valent que
rationis imperio, non pas ratione imperii. - C'est ainsi, par exemple, que les doctrines, autrefois suivies, en matière de legs d'universalité, soit pour la fixation de
leur caractère, soit pour la détermination de leurs effets, ne me paraîtraient pas
pouvoir être employées, à l'effet de compléter les textes du Code civil sur la
matière25. Et même s'il s'agit d'une maxime reçue, telle que la règle : Nul ne plaide
22. La preuve, que la portée destructive de la codification a été comprise comme je l'indique, me
paraît résulter encore, de certains passages des Observations, sur le Projet de l'an VIII, présentées, en
sens divers, par les Tribunaux d'appel, de Bordeaux (Fenet, t.  III, p.  204-205), Lyon (Fenet, t.  IV,
p. 27-28), Montpellier (Fenet, t. IV, p. 532-538). - Voy. pourtant Observations du Tribunal d'appel de
Nîmes (Fenet, t. V, p. 28-29). - Enfin, je ne puis attacher une importance, bien précise, à un passage
de l'Exposé des motifs, du titre des Successions, présenté par Treilhard, au Corps législatif, le
19 Germinal an XI (in fine, Fenet, t. XII, p. 159-160). De ce passage, il ne peut résulter qu'une chose :
l'indication de l'utilité du droit ancien pour l'interprétation même de la loi moderne. J'ai reconnu, plus
haut (n° 103. t. I, p. 289-290), cette utilité.
23. Patent wegen Publikation des neuen allgemeinen Landrechts für die preuzischen Staaten, vom
5 Februar 1794, §§ I-VII. et XVIII. Einleitung zum allgem. Landr. §§ 1, 3, 4, 21 et 53. - Et, là-dessus :
Förster Eccuis, Théorie und Praxis des heut gem. preusz. Privatr., § 4, t. I9, 1887, p. 14-16.
24. Réquisitoire, à la Cour de cassation, le 8 avril 1817, en note sous la loi du 1er avril 1837, dans
Sirey, Lois annotées, 2e série, p. 349, col. 2.
25. Contra : M. Mongin, De la situation du légataire universel dans le droit moderne et dans l'ancien droit à l'égard des dettes de la succession, dans Revue crit. de législ. et de jurispr., 1888. nouv. série,
t. XVII, p. 222-241.
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