Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 2 - 18

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MÉTHODE D'INTERPRÉTATION ET SOURCES EN DROIT PRIVÉ POSITIF

par procureur, j'estimerais, qu'à défaut de pouvoir l'appuyer sur un texte récent26,
on ne saurait la tenir pour obligatoire, en vertu des traditions anciennes27, sauf à
rechercher seulement, si elle ne se serait pas maintenue dans le droit moderne,
comme coutume nouvelle, obligatoire à ce titre. J'en dirais autant de la maxime
Habilis ad nuptias habilis ad pacta nuptialia, qu'un auteur contemporain28 a voulu,
à l'encontre de la plus récente jurisprudence, ranimer encore, sur le fondement de
la tradition historique.
Mais, toutes ces solutions ne sont exactes que sur le terrain de la codification,
telle qu'elle a été réalisée chez nous. Hors de là, je n'hésiterais pas à penser, que les
autorités anciennes doivent conserver la force, qu'elles avaient autrefois, atténuée
seulement par l'effet du temps et par la réaction inévitable de tout le mouvement
codificateur sur l'ensemble du droit privé. Il en résulte que, dans les rares et
maigres matières, qui ont échappé à la codification formelle (il ne suffit pas, bien
entendu, d'un point non prévu par le législateur, s'il rentre dans les matières codifiées), on peut, aujourd'hui, encore, faire valoir les traditions anciennes, les
maximes accréditées par les auteurs29, la jurisprudence jadis établie30, à titre d'autorité proprement dite, indépendamment de la valeur intrinsèque des raisons qui
l'appuient, ratione imperii31. Toutefois, il ne faut pas s'y méprendre ; ce n'est pas
la force de loi proprement dite, réservée à la loi écrite ou aux coutumes supplétives
de celle-ci. C'est une puissance moins forte, sujette à discussion, et pouvant succomber sous des idées, rationnelles ou sociales, aujourd'hui prépondérantes. Ce
n'en est pas moins une force, qui s'ajoute, légitimement et d'une façon indépendante, au poids des raisons justifiant la décision même : c'est cette force de raison
écrite, qu'on ne peut méconnaître sans témérité et faire tomber que par des arguments décisifs. - Pour le dire en passant, ces idées ont peut-être été trop oubliées,
de ceux qui, pour permettre aux femmes la prestation du serment d'avocat, ont
cru pouvoir victorieusement invoquer le silence, du décret du 14 décembre 1810 et
de l'ordonnance du 20 novembre 1822, combiné avec le principe de la liberté des
professions32. La raison eût pu être décisive, si le décret de 1810 se fût présenté à
26. Voy., sur ce point ; Garsonnet, Traité théorique et pratique de procédure, § 305, t. I3, 1898,
p. 511-512.
27. Comp  E.  Naquet, dans Revue critique de législation et de jurisprudence, nouv série, t.  IV,
1875, p.  649-653. - F.  Berriat-Saint-Prix, même revue, t.  V, 1876, p.  353. - Voy. encore Rennes,
26 mars 1849, D. p. 51-2-154.
28. Ed. Lambert, note sous Trib. civ. Seine, 14 août 1895, dans Pand. périod., 1897-2-33. Voy.
surtout l'argumentation des p. 34-35.
29. [A.  Loniewski, Essai sur le rôle actuel de la Maxime Error communis faeit jus ; thèse de
doct. Droit, Aix marseille, 1904-1905, propose d'admettre, assez largement, la valeur juridique actuelle des maximes ou adages anciens. Voy., pour le principe : p. 7-12 ; - et pour l'application à la maxime envisagée : p. 26-41.]
30. [L.  Cabantous (Introduction à un cours de jurisprudence), dans Revue de législation et de
jurisprudence (Wolowski), 1843 1°, t. XVII, p. 457, semble avoir reconnu force de loi, même depuis les
Codes, à la jurisprudence antérieure à 1790, en raison de l'autorité souveraine des Parlements : il ne
signale pas l'art. 7 de la loi du 30 ventôse an XII.]
31. C est dans celle mesure, seulement, que j'accepterais l'idée exprimée dans ce passage du Discours préliminaire, sur le projet de l'an VIII : « À défaut de texte précis, sur chaque matière, un usage
ancien, constant et bien établi, une suite non interrompue de décisions semblables, une opinion ou une
maxime reçue, tiennent lieu de loi. » Fenet, Recueil complet des trav. prépar. du Code civil, t. I, p. 471.
- Savigny paraît lui donner une portée plus grande Vom Beruf unsrer Zeit, 3e éd., 1840, p. 74-80 -
Traité de dr.  rom., trad.  Guenoux, t.  I, 1840, p.  196-1897. - Dans le même sens, et plus entier :
Ed. Lambert, note dans Pand. per., 1897-2, p. 34-35.
32. L'argument a été nettement déduit par E. Glasson, dans D. P., 89-2-34, à la note, col. 1. -
Adde note dans D. P., 98-2, p. 187-188, et p. 190, col. 2.
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