Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 2 - 198

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MÉTHODE D'INTERPRÉTATION ET SOURCES EN DROIT PRIVÉ POSITIF

Tribunal de Château-Thierry, si on les prend dans leur ensemble, les uns favorables
aux miséreux, les autres sévères aux prétendus privilégiés, ressentent, à peu près
tous, un esprit de basse politique, et laissent échapper un relent de littérature électorale, qui trouble étrangement la sereine atmosphère de la justice. Et, l'altitude de
leur auteur, qui n'a quitté son siège de magistrat, que pour se poser en politicien
démagogue, n'est, certes pas, faite pour atténuer cette impression. - Bien mieux.
Quand on analyse, en vue d'en caractériser au fond la portée spécifique, les décisions principales du Président Magnaud, on y relève d'étranges disparates, qui
tendraient à mettre en suspicion la sincérité ou la pondération de leur auteur. Je ne
parle pas, seulement, de cette opposition choquante, entre les appréciations des
actes ou des sentiments, qui semblent varier suivant la condition sociale, la mentalité religieuse ou les inclinations politiques, des personnes soumises à son contrôle9.
Mais, on reste singulièrement choqué, à voir le Président Magnaud, user, comme
magistrat, et sous l'influence d'idées préconçues, de procédés d'exposition, de raisonnement ou de décision, qu'en d'autres occasions, il a stigmatisés avec virulence,
soit chez certains justiciables, soit chez des administrateurs, voire même chez ses
collègues : insinuations désobligeantes, sinon diffamatoires ou injurieuses10 ;
mépris de la loi11 ; subtilités ou arguties juridiques12 ; solutions franchement arbitraires13. - Sans parler encore, d'une animosité, étroite et rancunière, envers la
jurisprudence, spécialement celle de la Cour d'Amiens14, ou le Ministère public15,
qui détonne singulièrement au milieu des traditions de notre magistrature.
Je crois, pourtant, qu'il faut, sincèrement et courageusement, surmonter
l'impression de défiance, que suscitent invinciblement ces incorrections, ces partialités, ces contradictions, en les mettant au compte de la faiblesse inhérente à
l'humanité, mieux encore, en les excusant comme la rançon inévitable d'une générosité de sentiments et d'une hauteur d'idéal subjectif, que, malgré certaines apparences et jusqu'à preuve décisive du contraire, nous devons maintenir à la base des
inspirations essentielles du Président Magnaud. Au surplus, aucun des défauts,
signalés plus haut, n'est inhérent à la manière de ce magistrat, qui se doit équitablement apprécier, en en faisant pleinement abstraction. Et, si leur constatation
peut faire pressentir le danger de cette manière, pour certains tempéraments, elle
ne saurait, à elle seule, entraîner une condamnation « sans phrases ».
9. Comp., notamment, à cet égard, les jugements rapportés par H. Leyret, Jugements Magnaud : - d'une part, t. I, p. 14-15 ; p. 36-40 ; p. 52-56 ; p. 95-97 ; t. II, p. 51-53 ; p. 55-64 ; p. 77-79 ; -
d'autre part, t.  I, p.  174-184 ; p.  216-224 ; p.  227-234 ; p.  287-292 ; t.  IO, p.  127-133 ; p.  136-139 ;
p. 144-149 ; p. 163-167 ; p. 170-177 ; p. 185-192 ; p. 195-197. - Et, rappr., plus spécialement, les deux
décisions rapportées, t. I, p. 208-211 et t. II, p. 199-203.
10. Comp., par exemple, H.  Leyret, Jugements Magnaud ; t.  I, - d'une part : p.  254-259 ; -
d'autre part : p. 175 ; p. 227-234.
11. Comp. H. Leyret, Jugements Magnaud, t. II, p. 164 et t. II, p. 82, p. 210.
12. Comp. H. Leyret, Jugements Magnaud, t. I, p. 147, p. 149 (adde p. 251), p. 154 ; t. II, p. 53 et
p. 166 avec t. II, p. 133 ; t. II, p. 133 (adde p. 107).
13. Comp., dans H. Leyret, Jugements Magnaud : - d'une part, les jugements, qui accordent
aux pêcheurs une tolérance d'une demi-heure sur l'heure officielle du lever et du coucher du soleil, t. II,
p. 205-206 ; adde t. I, p. 302-303 ; - d'autre part, le jugement, qui critique la jurisprudence, fixant en
centimètres la longueur des pistolets de poche, dont le port est délictueux, t. II, p. 228-229.
14. Voy., notamment, H.  Leyret, Jugements Magnaud. t.  I, p.  154 : p.  182 ; p.  251 ; p.  259 ;
p. 279-280 ; p. 285-286 ; p. 291 ; p. 335-336 (adde p. 315) ; t. II, p. 53 ; p. 70-72 : p. 166-167 ; p. 180 ;
p. 188 ; p. 196 ; p. 202 ; p. 226. - Comp. discours de M. Magnaud, à la Chambre des députés, le
28 décembre 1906, dans J. off., Chambre des députés. Débats parlementaires. Session extraordinaire
de 1906, p. 3429-3430.
15. Voy., notamment. H. Leyret, Jugements Magnaud, t. I, p. 158 ; t. II, p. 59-60.
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