Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 2 - 22

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MÉTHODE D'INTERPRÉTATION ET SOURCES EN DROIT PRIVÉ POSITIF

stérile. Voilà, si je ne me trompe, l'idée définitivement acquise par les efforts de
l'École historique. - Toutefois, la pente est glissante. À force d'éplucher et de
retourner les documents, volontiers on incline à y chercher la source directe de
décision, surtout quand on est en face de textes, tels que ceux des jurisconsultes
romains, qui, par leur perfection de forme et la valeur intrinsèque de leur contenu,
semblent donner le dernier mot de la vérité juridique. Savigny, lui-même, n'a pas
complètement échappé à ce danger. Les excès, auxquels il a pu être entraîné en ce
sens, et dans lesquels aussi sont tombés plus décidément quelques-uns de ses
disciples, ont récemment suscité d'amers griefs, qui dussent réduire à néant tous
les efforts de l'École42. - Étrange réaction, qui, sous le prétexte de quelques abus,
méconnaîtrait le mérite essentiel et la pensée éminemment sociale de l'œuvre !
Pourtant, sentant sans doute qu'il avait péché de ce côté, dans son Traité de la
possession43, Savigny avait, plus tard, signalé très nettement l'écueil dans la préface de son Traité de droit romain44. Et, tout ce traité même, nonobstant une
prédilection, encore très marquée, pour les sources romaines, exprimait le plus
sérieux effort, en vue de s'en tenir à la substance de la doctrine45. - Mais, aussi
bien, qu'importent ici les erreurs individuelles, voire les défaillances les plus certaines des maîtres46 ? Ce qu'il nous fallait constater, c'est que le fonds solide et
substantiel de l'École historique réside tout entier dans le caractère expérimental
des données historiques de tout ordre (parmi lesquelles figurent les autorités
traditionnelles), et que sa valeur impérissable lient toute dans cette idée, qu'une
étude pénétrante du passé fait seule bien saisir les problèmes de l'heure présente,
en en disséquant la substance sociale, en même temps qu'elle prépare leur solution par l'enseignement que suggèrent les résultats acquis. Touchant ces derniers
points, nous avons encore, résonnantes à la mémoire et vibrantes à la pensée, les
paroles éloquentes, par lesquelles un maître éminent nous montrait naguère, avec
toute la conviction de sa haute intelligence et la chaleur de son âme d'historien,
comment, dans le domaine précisément de nos études, l'histoire, ainsi comprise,
peut élargir et éclairer les horizons47.
Cette vertu éducatrice de l'histoire, nous ne saurions la refuser aux autorités
anciennes, constituant la tradition juridique la plus sûre. Mais, en même temps, il
42. Voy. notamment : A. Menger, Das bürgerliche Recht and die besitzlosen Volksklassen, 2e éd.,
1890, p. 12-13. - Du rôle social de la science du Droit, dans Revue d'économie politique, 1896, t. X,
p. 69-70. - On trouvera une critique, plus modérée, et plus juste, des excès de l'École historique, dans
Windscheid, Lehrbuch des Pandektenrechts, t. I7, 1891, p. 23-24, et dans Regelsberber, Pandekten,
t. I, 1893, p. 43. [- Adde O. Bülow, Heitere und ernste Betrachtungen über die Rechtswissenschaft, 2 A.,
Leipzig, Breitkopf u. Härtel, 1901, Vierter Brief, Ueber die historische Rechtswissenschaft, p. 56-122,
passim.]
43. Das Recht des Besitzes, 1re éd., Giessen, 1803.
44. T. I, 1840, trad. Guenoux, p. XIV-XVII. Adde, ibid., p. 90-91.
45. C'est ce que reconnaît F. Regelsberger, Pandekten, t. I, 1893. p. 43, et ce qu'avait déjà nettement indiqué R. von Jheming, dans Jahrbücher für die Dogmatik, t. I, 1857, p. 39.
46. un excès analogue, dans les tendances historiques, a été relevé au sujet de la doctrine
économique de notre siècle. Voy Discussion, de la Société d'Économie politique de Paris, le 5 novembre 1897, sur l'emploi de la méthode historique en Économie politique. MM Levasseur, Yves Guyot,
Chrysson, Raffalovich, économiste français, du 20 novembre 1897, XXVe année, t. II, p. 665-667.
Compte rendu de Georges Michel. - Adde : Levasseur, De la méthode dans les sciences économiques.
dans Revue bleue, nos des 5 et  12  mars 1898, IVe série, t.  IX. p.  291-296 ; p.  338-343, notamment
p. 340-340.
47. A. Sorel., Discours à la Séance de rentrée, de l'université de Lille, le 3 novembre 1897, dans
Revue internationale de l'enseignement, 1897, 2°, t. XXXIV, p. 388-397. - Voy aussi : C. Turgeon, dans
Revue internationale de l'enseignement, 1900, 1°, t. XIX, p. 285-286, et 1895, 2°, t. XXX, p. 217.
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