Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 2 - 221

LES POuVOIRS Du JuGE D'APRèS LE CODE CIVIL SuISSE Du 10 DÉCEMBRE 1907

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204. Au terme de cet exposé sommaire, de la position, prise par le législateur
suisse, dans le complexe problème des sources du droit positif et des moyens d'interprétation qu'elles comportent, me sera-t-il permis de remarquer - non sans
quelque satisfaction assurément - comme elle s'accorde, dans ses traits essentiels
et principaux, avec les conclusions fondamentales, auxquelles j'étais arrivé, sur le
seul terrain de la recherche rationnelle, en 1899 ? C'est à tel point, que la formule
de l'article 1er du Code, civil suisse de 1907 pourrait être proposée comme contenant le résumé le plus adéquat de mes développements.
L'idée capitale, qu'on entrevoit à sa base et qui domine également tout mon
livre, c'est que le droit positif est chose trop complexe et trop mouvante, pour
qu'un individu ou une Assemblée, fussent-ils investis de l'autorité souveraine,
puissent prétendre en dresser, d'un seul coup, les préceptes, de façon à suffire à
toutes les exigences de la vie juridique. - Il faut, pour atteindre pleinement le but,
le concours d'autres forces, aptes, sinon à prescrire, du moins à révéler, les moyens
par lesquels on suppléera les lacunes inévitables des textes légaux. Et, c'est ainsi
que, subsidiairement à la loi et pour la compléter, s'il y a lieu, le droit coutumier,
constitué par ses éléments, depuis longtemps reconnus, apparaît comme une
source formelle, encore nécessaire, à ce titre, aujourd'hui. Quant à la jurisprudence et à la doctrine autorisées, en dehors de leur rôle historique (tradition), elles
ne méritent pas, en elles-mêmes, la qualification de sources formelles, et n'interviennent que pour guider l'interprète dans toute son activité, s'exerçant d'abord
sur l'explication de la loi et le développement du droit coutumier, poursuivis suivant la nature de chacune de ces sources. - Toutefois, cette élaboration des sources
formelles reste encore impuissante à satisfaire, par ses résultats, tous les besoins de
la vie juridique. Et, quand elle a épuisé ses moyens propres, la place s'ouvre à une
recherche indépendante, par laquelle l'organe de l'application du droit, et, avant
tout, le juge, statue sur les cas qui lui sont proposés, en les solutionnant, juridiquement, comme l'eût fait le législateur, sans négliger l'inspiration de doctrine et
jurisprudence autorisées. La décision du juge ne constitue pas, d'ailleurs, par ellemême, un précepte général. Et, si elle comporte, comme contenant règle juridique,
les recours juridictionnels, qui tendent à maintenir l'uniformité dans l'application
du droit (pourvoi en cassation ; - ou en révision)83, elle n'a de valeur que pour
l'espèce qu'elle a tranchée et n'étend pas sa domination sur l'avenir. - Toutes ces
déductions, qui m'ont paru, par le jeu naturel de la réflexion, s'enchaîner simplement autour du principe initial, trouvent aujourd'hui, comme une estampille officielle, au seuil de l'œuvre législative, si originale, si simple et si forte à la fois, qui a
marqué les premières années du xxe siècle.
Mais, à côté de cette confirmation autorisée des plus notables de nos résultats acquis, qui laisse naturellement place à bien des divergences de vues, inévitables dans la précision des conclusions et le détail des développements accessoires, la nouvelle législation civile de la Suisse apporte au problème général, de la
création du droit et de son application à la vie sociale, quelques éléments, sinon
tout à fait nouveaux, du moins, mieux accentués, dont je ne relèverai ici que deux,
paraissant particulièrement susceptibles de pousser plus avant la pénétration du
mystère, qui enveloppe l'essence et la fin du droit positif.
83. Comp. M. Gmür, Die Anwendung des Rechts, Bern, 1908, p. 112, qui signale toutefois, de lege
lata, la nécessité d'une modification de l'article 56 de la loi d'organisation judiciaire fédérale de 1893
(Ann. de législ. étrang., 1894, p. 455). - Ce texte n'a pas été modifié par la loi fédérale d'organisation
judiciaire, du 6 octobre 1911. Annuaire de législation étrangère, 1912, t. 41, p. 563.
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