Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 2 - 233

LE MOuVEMENT Du « FREIES RECHT » (LIBRE DROIT) DANS LES PAYS AuSTRO-ALLEMANDS

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risquant d'engendrer l'arbitraire, une nature des choses positive, issue de l'essence
des institutions juridiques préétablies45.
Les partisans de la seconde tendance cédaient évidemment à une nécessité
naturelle, et aboutissaient à ouvrir, dans leurs recherches, une place importante à
l'observation des réalités sociales. Ceux qui suivaient étroitement la première se
raidissaient contre ces exigences de la vie, pour se tenir exclusivement sur un terrain, où la forme garantît la sécurité du fond. Mais, afin de subvenir, avec l'appareil borné et figé des sources formelles, aux questions, infiniment nombreuses et
mouvantes, posées par les faits, il leur fallait y adapter le mécanisme compensateur d'une prétendue logique, consistant en une élaboration de notions abstraites,
qui déguisât, sous l'apparence d'un cadre dialectique, rigide, les fantaisies de
l'imagination créatrice du juriste. De là, ce système, de formation de concepts
(Juristische Begrijfsbildung), et de construction juridique (juristische Construction), développé sans mesure par Savigny46 et ses disciples, jusqu'à la réaction de
R. von Jhering47, et dont Windscheid a su, dans sa vigoureuse manière, nous
montrer le jeu en quelques traits décisifs, sous le nom de maniement scientifique
du droit (wissenschaftliche Behandlung des Rechts)48.
À la faveur de ces correctifs ou de ces trompe-l'œil, la doctrine, de la plénitude logique du droit positif (représenté surtout par la loi écrite), s'est maintenue
à la base de toute l'organisation juridique, régissant les pays germaniques. Sa
pensée fondamentale s'est exprimée, non sans un parfum de paradoxe, dans cette
boutade lapidaire d'A. Brinz : « De lacunes, que notamment l'analogie devrait
combler, il n'en existe absolument pas en droit »49. Il n'y avait là, il est vrai, qu'une
assertion audacieuse, contraire aux expériences les plus tangibles ; et l'on ne pouvait considérer que Brinz en eût fourni un essai de justification, en imputant au
droit positif une horror vacui50, encore moins démontrée assurément pour notre
domaine, que pour celui de la nature physique. - La tentative fut poussée plus loin
45. J.  unger, System des österreichischen allgemeinen Privatrechts, t.  I, Leipzig, Breitkopf u.
Härtel, 4 A., 1876, § 10, initio et B, texte et notes 30-38, p. 59 et p. 65-67 (voy. surtout le texte et les
notes 33-38, p. 66-67) ; § 11, I, in fine, texte et notes 16-17, p. 71.
46. Voy. surtout, à cet égard : H. u. Kantorowicz, Was ist uns Savigny, Berlin. C. Heymann,
1912, p. 39-44 (§ IV).
47. Réaction commencée, en 1861, par la publication de la première, des « Vertrauliche Briefe
über die heutige Jurisprudenz. Von einem unbekannten », reproduite dans Scherz und Ernst in der
Jurisprudenz, 3e A, Leipzig, 1885, p. 3-17.
48. B. Windscheid, Lehrbuch der Pandekten, § 24 ; dans t. I, 7 A. (la dernière revue par l'auteur),
Frankfurt, a. M., p. 59-60 ; t. I, 9 A. Th. Kipp, p. 110-112).
49. A. Brinz, Lehrbüch der Pandekten, t. I, erste Lieferung, 3 A., Erlangen, A. Deichert, 1884,
p. 150 (§ 32) : « Lücken », die namentlich die Analogie « ausfüllen soll, existieren im Recht überhaupt nicht ». - Adde A. Brinz (compte rendu de Fr. Adickes, Zur Lehre von den Rechtequellen,
1872), dans Kritische Vierteljahresschrift für Gesetzgebung und Rechtswissenschaft, 1873, t.  XV.
p.  184. - D'après E. Zitelmann, Lücken im Recht (Rede), Leipzig, Duncker, u.  Humblot, 1903,
Anm. 5-2, p. 40-41, la formule de Brinz, signifierait seulement, si je comprends bien l'interprétation
qu'il en donne, que, dans les cas, où manquent les conditions exigées par la loi pour un résultat
juridique, il y a, de par la loi même, refus de ce résultat. On ne pourrait donc, alors, parler de vraies
lacunes. Voy. au surplus les références, signalées par Zitelmann, loc. cit., dans le sens de la doctrine,
qu'il attribue à Brinz.
50. A. Brinz (compte rendu critique de Fr. Adickes, Zur Lehre von den Rechtsquellen), dans
Kritische Vierteljahresschrift für Gesetzgebung und Rechtswistenschaft, 1873. t. XV, p. 164 (1). - D'ailleurs, dans la suite de son développement (2), ibid., p. 164-165, A. Brinz se sent obligé de reconnaître,
que le juge doit fournir quelquefois une solution positive, sans l'appui d'un texte. Il prétend (sans le
prouver) qu'il y arrivera toujours par « l'analogie ».
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