Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 2 - 27

LES SOuRCES FORMELLES Du DROIT PRIVÉ POSITIF ET LEuR INTERPRÉTATION

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conséquent, une source sui generis, qui s'impose, par sa nature même, avec une
puissance adaptée à cette nature. Ainsi, la question se trouve posée sur le terrain
de la méthode. C'est, à mon sens, son véritable terrain, et par où elle rentre tout à
fait dans l'horizon de cette étude.
Comme je viens de l'indiquer, ce problème de l'autorité, érigée en source
juridique, a été soulevé surtout à l'endroit des décisions judiciaires (prœjudicia).
Il prend ainsi un caractère particulier, qui y introduit même des éléments de solution distincts. Et, pour mieux délimiter mon sujet, c'est sous cet aspect spécial,
donc, dans son application à la jurisprudence, que je veux, d'abord, l'envisager.
- Cela fait, quelques mots me suffiront, pour résoudre le même problème, en le
posant au sujet des opinions doctrinales.
146. Sous son premier aspect, la question, qui se présente ici, se peut traduire
brièvement, dans une formule courante en France, en disant, qu'il s'agit de savoir, si
nous pouvons, et si nous devons, aujourd'hui, reconnaître un pouvoir prétorien à la
jurisprudence. Toutefois, cette expression commode n'est pas sans ambiguïté. Et,
pour mieux faire saisir notre problème actuel, je dois, à nouveau, mettre en relief le
danger d'une équivoque, antérieurement (n° 85, t. I, p. 210-211) déjà, signalée.
Sous le nom de pouvoir prétorien de la jurisprudence, on entend, suivant les
cas, deux choses fort différentes64.
Souvent, on signifie, par là, que les tribunaux, en tant qu'interprètes du
droit, auraient, à propos des procès, qu'ils doivent juger, un large pouvoir de création juridique, dans le silence ou l'insuffisance de la loi (sinon même pour la corriger), et à défaut d'un droit coutumier constant. Mais, ce pouvoir serait exercé
par eux, d'une façon toute concrète, et sans tirer, nécessairement du moins, à
conséquence pour l'avenir. Le reconnaître ne serait pas autre chose, que proclamer la légitimité d'une libre recherche scientifique, dans le domaine du droit positif. - Ainsi compris, j'ai admis, très largement (n°s 84-86), du moins à l'effet de
suppléer ou de compléter la loi, le pouvoir prétorien de la jurisprudence. Et, à vrai
dire, toute mon étude est consacrée à le justifier, en cherchant seulement ses
limites nécessaires65. C'est également, dans cette première acception du mot, que
tel de nos maîtres, J.-E. Labbé, par exemple, a cru souvent devoir défendre le pouvoir prétorien de nos tribunaux modernes66. Et, à vrai dire, tel est bien le sens,
qu'on attribue, le plus normalement, à l'expression que j'ai employée ici.
64. [Rappr., des développements, qui vont suivre : A.  Rol, Les causes et les effets du divorce
(étude de jurisprudence) ; thèse de doct. Droit, Aix-Marseille, 1904-1905 (ouvrage publié aussi, chez
Rousseau, sous le titre : L'évolution du divorce, jurisprudence et sociologie) Introduction, Du rôle
prétorien de la jurisprudence sous un régime de codification, p. 9-62.]
65. [Comp. Premier président Ballot-Beaupré, Discours d'installation à la Cour de cassation,
le 16 octobre 1900, le Droit du 17 octobre 1900, p. 925, col. 1-2. - Discours prononcé, pour le centenaire du Code civil, le 29 octobre 1904, à la Sorbonne, dans le Centenaire du Code civil, Paris, Imprimerie nationale, 1904, p. 27-28. - Voy. une note, légèrement différente, dans le discours d'installation,
du Procureur général Baudouin, à la Cour de cassation, le 7 août 1901, Le Droit du jeudi 8 août 1901,
p. 729, col. 4.]
66. Voy., par exemple : Labbé, note, initio, sous Civ. rej., 14 décembre 1887, en Sir., 89, 1, 193,
- Voy. encore ce passage de P. Gide, Étude sur la condition privée de la femme, 2e éd., Esmein, 1885.
p. 423 : « ... et, puisque les principes juridiques sont incertains, et que la loi positive est muette, n'est-il
pas permis à la jurisprudence de porter ses regards plus haut et de chercher une règle dans ce principe
de justice et d'utilité sociale, qui ne permet pas qu'on interdise à un être humain aucune des occupations honnêtes dont il est capable ? Ce principe est à mes yeux, plus respectable, que la tradition d'un
formalisme suranné. La mission de la jurisprudence moderne est encore, dans des bornes plus étroites,
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