Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 2 - 34

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MÉTHODE D'INTERPRÉTATION ET SOURCES EN DROIT PRIVÉ POSITIF

que l'on présentait, du moins, comme ayant une force provisoire, pouvant utilement ouvrir les voies à une législation progressive90.
Bref, au sein de théories de méthode assez confuses, sous une forme bien
timide encore, et comme lancé en quelques ballons d'essai, un mouvement a paru
se dessiner, en vue d'attribuer à la jurisprudence la valeur d'une source positive
indépendante, constituant, à elle seule, comme un droit coutumier rajeuni et
adapté aux exigences modernes.
De quelque séduction que s'environne cette tendance nouvelle, j'estime, pour
ma part, qu'elle manque de deux éléments essentiels, sans lesquels elle ne peut
prétendre à un succès sérieux.
D'une part, elle ne me semble pas avoir suffisamment précisé la formule de
ses revendications. Car ce n'est pas assez de faire entendre, que la jurisprudence
doit jouir d'une valeur autonome dans la création du droit positif. Il faudrait
indiquer, plus précisément, et ce qu'on lui accorde et ce qu'on lui refuse. - Méritet-elle une véritable force législative ? Si oui, il restera à en déterminer les conditions, à préciser la notion de la jurisprudence ayant force de loi. Si, comme c'est
plus probable, on ne peut aller jusque-là, il s'agira d'indiquer, d'une façon saisissable pour l'esprit, et réalisable dans la pratique, la nature de son autorité, son
degré d'intensité exact, la portée effective de son action, suivant les conditions
qu'on exigera pour la constituer. - Je sais bien, qu'il est, dans toutes les choses
morales, un domaine de réalités impondérables, et que, susceptible de degrés infinis, la force de l'autorité, en matière juridique, ne peut se ramener toujours à une
évaluation mathématique. Mais, pourtant, si l'on veut faire des décisions judiciaires une source sui generis, il faut bien nous dire, dans quelle mesure et sous
quelles conditions cette source imposera une direction à l'interprète. - Or, je
n'aperçois pas que les promoteurs ou les partisans des tendances nouvelles se
soient jusqu'ici préoccupés de nous édifier sur ces points.
D'autre part, la doctrine, qu'ils préconisent, ne repose jusqu'ici que sur des
affirmations. Et, si énergiques et décidées qu'elles puissent être, celles-ci ne vaudront jamais le minimum de démonstration indispensable, pour un système, qui
prétend renverser toutes nos idées traditionnelles, en matière de création juridique, et qui contrarie ouvertement les principes, les plus incontestables, de toute
notre organisation constitutionnelle.
Il ne suffit pas, en effet, pour répondre à ces objections, de faire de la jurisprudence une sorte de source coutumière. J'ai eu l'occasion, de montrer plus haut, qu'à
elles seules les décisions judiciaires ne constituent pas une véritable coutume juridique, puisqu'elles ne renferment même pas cet usage des intéressés, qui forme le
substratum essentiel de celle-ci (voy. ci-dessus, nos 119 et 123). Ce serait donc, sous le
nom fallacieux de coutume sui generis, une source indépendante et bien distincte.
90. Discussion du 14 février 1898, dans La Réforme sociale, n° du 16 avril 1898, t. XXXV, p. 634667. - Vov notamment : Rapport de R. Saleilles, p. 637-638, p. 643. - MM. des Cilleuls, Tarbouriech,
Cheysson, p. 649-653. - Lettre additionnelle de R. Saleilles, p. 666. - Ajoutez encore aux références,
signalées au texte, quelques opinions plus timides : Ch. Beudant, note sous Civ. Cass., 8 mai 1878,
D. P. 78. 1, 241 ; adde : Cours de droit civil français. Introduction, 1896, p. 116. - E. Glasson, dans
Revue polit. et parlem., de 1894, 2°, t. II, p. 214-215 ; et note, in fine, sous Civ. rej., 2 juillet et Req. rej.,
16 juillet 1894, D. P. 94, 1, 500 : encore dans Rapport sur le concours général de licence en 1899 (in
fine), Journal officiel du 10 octobre 1899, p. 6723.
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