Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 2 - 76

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MÉTHODE D'INTERPRÉTATION ET SOURCES EN DROIT PRIVÉ POSITIF

Le mot « équité » représente une notion, quelque peu incertaine et équivoque, que rien ne paraît distinguer, bien nettement, de la notion de justice. Sans
insister ici sur un point de minutieuse terminologie131, dont la discussion ne saurait nous donner les résultats positifs que nous cherchons, sans prétendre préciser
le sens et la portée de l'æquitas, qui a exercé une influence si capitale sur l'évolution historique du droit romain132, sans approfondir davantage la notion de
l'équité, telle qu'elle apparaît en nos lois actuelles (ex. : art.  565, 1135, 1854,
C. civ. franç.), j'indique simplement, que, telle que j'entends l'envisager, l'équité,
branche détachée du grand arbre de la justice, représente, suivant les cas, deux
notions distinctes : Ou bien, c'est une sorte d'instinct, qui, sans faire appel à la
raison raisonnante, va, de lui-même et tout droit, à la solution la meilleure et la
plus conforme au but de toute organisation juridique. Ou bien, c'est, en vue de
l'adaptation aux faits de l'idée de justice, la considération des circonstances individuelles, prenant le pas sur les idées générales, ou les modelant à la mesure des
éléments concrets. - Il s'agit de savoir, quelle autorité l'on peut reconnaître, sous
chacune de ces deux formes, à l'équité, dans l'élaboration du droit positif, par voie
de libre recherche scientifique.
En tant que sentiment, inconscient et non raisonné, des exigences du droit,
l'équité ne diffère pas essentiellement, par sa nature, des révélations de la
conscience morale proprement dite. Le nom, donné à cette dernière faculté, ne
doit pas, en effet, nous illusionner sur le mode de son action. Celle-ci ne consiste
guère, si vive en puisse être l'influence, qu'en impressions, mal déterminées dans
leur essence, qu'une croyance invincible en la rectitude de noire esprit érige seule
à l'étal de vérités morales absolues. Le sentiment de l'équité, tel qu'on le désigne
volontiers, n'est qu'un diminutif de ce diagnostic de la conscience ; ou, si l'on
veut, c'est l'œuvre d'une sorte de subconscience morale. Je ne vois donc pas, qu'il
soit possible, ni légitime, de lui refuser l'autorité, que nous avons reconnue à la
conscience elle-même, en l'admettant, comme succédané de la raison, au nombre
de nos modes de connaissance du droit positif. - Toutefois, le danger même, des
inspirations de cette équité, plus évidemment subjective, doit limiter son effet à
l'appréciation d'éléments juridiques purement abstraits, l'entends dire, par là, que
le juge, placé eu face d'une espèce, ne pourra pas, à moins d'en être positivement
chargé par la loi133, faire porter son sentiment d'équité, pour la solution de droit
1861, nos 29-30 et nos 273-277, p. 66-71, p. 457-463. - G. Massé, Le droit commercial dans ses rapports
avec le droit des gens et le droit civil, 3e éd., 1874, nos  84 et  1442 ; t.  I, p.  74-76, t.  III, p.  12-25. -
Vavasseur, dans Revue des Sociétés, 1899, p. 1-2. - Adde, sur le point, Mailher de Chassat, Traité de
l'interprétation des lois, 1822, §§ XLV-LI, p. 65-71. - Eschbach, Introduction générale à l'étude du droit,
3e éd., 1856, n° 11, p. 19. - Ch. Brocher, Étude sur les principaux généraux de l'interprétation des lois,
1862, p. 222-243. - Voy. aussi les auteurs analysés et cités ci-dessus, n° 19, t. I, p. 38-40.
131. Sur la notion d'équité, voy. : C. A. Albrecht, Die Stellung der röm. Æquitas in d. Theorie
des Civilrechts, 1834. - C. A. Wächter, Württemb. Privatrecht, t. II, 1842, p. 61-62. - Et, quant aux
opinions des Glossateurs, relativement à l'équité, voy. Ed. Meynial, dans Nouvelle Revue historique de
Droit, 1897, t. XXI, p. 352-353. - Voy., aussi, Portalis, Exposé des motifs du titre préliminaire du Code
civil, le 4 Ventôse an  XI, Fenet, t.  VI, p.  359-360. - Et, sur l'équité ou epiikia des scolastiques :
F. Suarez, De legibus, lib. IV, cap VI, §§ 5-7, cap. VII et cp. VIII.
132. E. I. Bekker, Ueber die römische und die moderne Æquitas, dans Jahrbuch der internatioanalen Vereinigung für vergleichende Rechtswissenschaft und Volkswirtschaftslehre, t. I, 1895, p. 337-347.
- Adde M. Voigt, Die Lehre vom Jus naturale, Æquum et bonum und Jus gentium der Römer, 4 vol.,
1856-1875.
133. Sur la grande latitude, laissée au juge, d'une façon générale, par le nouveau Code civil allemand, voy. notamment : F. Endemann, Einführung in das Studium des Bürgerlicken Gesetzbuchs, § 11,
t. § I, 1899, p. 46-49 [ ; - et ci-après, n° 176 bis.]
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