Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 2 - 80

MÉTHODE D'INTERPRÉTATION ET SOURCES EN DROIT PRIVÉ POSITIF

sociale ? À leur défaut, n'est-il pas nécessaire, de découvrir, par des procédés
moins directs, les tissus complexes et cachés qui les entourent et les font vivre146 ?
Cela, il est vrai, va soumettre à notre recherche une matière, quelque peu changeante, comme tout ce qui, ayant vie, n'est pas contenu dans la rigidité des formules ou l'immobilité des résultats acquis. Mais, ici, le changement même se
trouve commandé par la nature des choses et se produira insensiblement à son
image. - Que l'on ne croie pas, d'ailleurs, qu'en prenant comme matière de
recherche l'organisation positive, nous nous en remettions à toutes les fluctuations de l'opinion. L'opinion est, parfois, une grande trompeuse : elle n'est jamais
plus qu'une vague indicatrice. Et, il est essentiel, d'en percer les obscurités ou les
mensonges, de surmonter ses mouvements, souvent de pure apparence, pour
embrasser la réalité vivante, qui, seule, doit servir d'objet, en même temps que de
guide, à nos investigations.
Au surplus, les éléments positifs, aptes à révéler des principes d'interprétation
juridique, qui complètent les sources formelles, auront, eux-mêmes, une puissance
et une autorité différentes, suivant le lien, qui, les rattachant plus ou moins à ces
sources, augmentera ou diminuera la sûreté de l'équilibre social, réalisé par eux,
et seul critérium de leur valeur pratique pour la jurisprudence positive. Ainsi,
s'impose une classification, dont deux compartiments principaux se présentent
assez nettement à l'esprit.
D'un côté, indépendamment des solutions directes, que nous donnent spontanément les sources formelles, principalement les lois écrites, interprétées suivant
les règles que j'ai fixées plus haut (ci-dessus nos 95-108), nous apercevons, qu'on
peut trouver, dans les solutions mêmes de ces sources, ou dans le système, dont
elles dessinent quelques lignes plus précises, un complexus de principes, excédant
la portée propre des textes, participant pourtant, bien qu'avec une énergie
moindre, de leur valeur positive, à la condition, seulement, d'être déduits par la
libre recherche scientifique, suivant le procédé, rigoureux et sûr, de l'Analogie.
D'autre part, à côté de ce domaine de l'analogie, si étroitement contigu à
celui des sources formelles, les autres éléments de notre organisation sociale
laissent entrevoir des points d'attache, moins fermes et surtout moins clairs, que
pourtant nous ne pouvons laisser échapper, pourvu que nous les dégagions avec
prudence, et ne les reconnaissions que dans la mesure, où ils nous apparaissent,
avec la positivité, qui reste le signe de leur valeur juridique.
165. Parlons, d'abord, de l'Analogie.
Jadis (n° 107), nous l'avons vue proposée parmi les procédés de l'interprétation, proprement dite, de la loi. Je n'ai pu l'admettre à ce rang. Il m'a paru, que sa
mise en œuvre excédait trop manifestement le pur diagnostic de volonté, qui caractérise tout développement légitime d'un texte légal. En même temps, toutefois, j'ai
laissé entendre (voy. encore n° 108), que ce procédé de l'extension analogique, reposant sur la base solide du droit écrit (exceptionnellement, même, du droit coutumier), apportait à l'interprétation juridique, en tant qu'elle s'exerce avec la liberté et
la portée d'une recherche scientifique, un secours de premier ordre, que nous ne
saurions dédaigner. Il s'agit seulement, à cette place, d'en préciser le fondement,
d'en déterminer le mode d'action légitime, de tenter d'en mesurer les résultats.
146. Rappr. G. Tarde, Les transformations du droit, 1893, p. 197-198. Adde p. 201-202, p. 205.

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