Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 2 - 9

LES SOuRCES FORMELLES Du DROIT PRIVÉ POSITIF ET LEuR INTERPRÉTATION

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nettement extérieurs à lui, sous forme d'injonctions (plus ou moins impérieuses)
de puissances, dominant toute appréciation subjective et manifestant une vérité
plus ferme, - bien différentes, par conséquent, de ces circonstances, multiples et
flottantes, qui, ne valant que par l'action du sentiment intime et personnel de
l'interprète, peuvent seulement inspirer la décision de celui-ci, quand, faute de
sources proprement dites, il en est réduit à la libre recherche (voy. ci-dessous, troisième partie, chap. II, et notamment, n° 168, in fine).
139. Cela dit, je ne veux pas, pourtant, éluder la question, que cette section
môme a pour objet de résoudre. Et, dès maintenant, je la puis poser très nettement, en même temps qu'en faire pressentir la portée : Autorité et tradition, telles
que je les définissais tout à l'heure, constituent-elles une direction, qui s'impose,
en quelque mesure, à l'interprète ? - À cette question, notre doctrine classique
répond, sans hésiter, négativement. Elle ne peut se résoudre à voir, en des opinions
individuelles, si dense et si compact en soit le faisceau, autre chose qu'une réunion
de jugements personnels, sujets à l'erreur, et incapables de suggérer au juriste une
interprétation sûre, d'ouvrir à sa décision une voie infaillible3. En cela, d'ailleurs,
la jurisprudence positive semble nettement rattachée à tout le mouvement de la
science moderne, qui, depuis Bacon et Descartes, se fait gloire de rompre en
visière aux précédents, et de s'en tenir indéfectiblement à la maxime rationaliste et
pédantesque : Nullius addictus jurare in verba magistri.
Voilà, du moins, ce que l'on professe. Le pratique-t-on aussi strictement
qu'on le dit, et y a-t-il, dans ces affirmations hautaines et sonores, autre chose,
que la vaine manifestation d'un individualisme, impuissant contre les faits ?
En ce qui touche les sciences, en général, je ne puis entreprendre ici un débat,
qui sort trop évidemment de ma compétence, et excède absolument mes lumières.
Qu'il me suffise de me référer aux observations, si vivantes et si profondes, d'un
psychologue avisé, autant que manieur d'hommes émérite, A. J. Balfour, et de
dire, en reproduisant simplement ses conclusions : « Nous n'oublierons pas que
c'est à l'autorité plutôt qu'à la raison que nous devons non seulement la religion,
mais la morale et la politique ; que c'est l'autorité qui nous a fourni les éléments
essentiels des prémisses de la science ; que c'est l'autorité plus que la raison qui a
solidement jeté les bases de la vie sociale ; que c'est l'autorité plus que la raison
qui a cimenté l'édifice. Et, quoique ceci puisse avoir une saveur paradoxale, il n'est
pas exagéré pourtant d'affirmer, que, si nous voulons trouver la qualité qui nous
élève surtout au-dessus de la brute, il nous faudra la chercher, non pas tant dans
3. Voy. notamment : α, en ce qui concerne l'autorité de la jurisprudence : Demolombe, Cours de
Code Napoléon, t. I, n° 118. - Aubry et Rau, § 39 bis, in fine, t. I5, 1897, p. 192. - Laurent, Principes
de droit civil, t. I, nos 280-281. - Avant-projet de révision du Code civil, sur l'art. 28 de l'avant-projet,
n° 5, t. I du Commentaire, 1882, p. 173, col 2. - Baudry Lacantinerie et Houques-Fourcade, Des
Personnes, t. I, 1896, n° 245. p. 168 ; [nouveaux développements, à partir de la 2e édition, t. I, 1902,
nos  245-245 bis, p. 191-194.] - Cpr. Dalloz, Rép. alphab., v° Lois, n° 47, sur la jurisprudence ancienne ; - β, et quant à l'autorité de la doctrine : Demolombe, t. I, n° 117, in fine. - Dalloz, Rép. alphab.,
vo Lois, n°  519 - Laurent, Principes de droit civil, t.  I, n°  280. - Baudry-Lacàntinerie et Houques-Fourcade, Des Personnes, t.  I, n°  252, p.  171 ; [2e éd., t.  I, 1902, n°  252, p.  197-198.] - Voy.
pourtant, en faveur d'une autorité plus considérable reconnue aux précédents, surtout judiciaires :
Eschbach, Introduction générale à l'étude du droit, 3e édit., 1806, p. 38 : cf. p. 36 37. - Laurent, Principes de droit civil, t I, n° 257. - Beudant, Cours de droit civil français Introduction, 1896, n° 112,
p. 116 et n° 114, in fine, p. 121. - P. Lombard, Discours sur le Code civil allemand. Séance d'inauguration de l'université de Nancy, 1897, p. 24.
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