Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 2 - 93

LA LIBRE RECHERCHE SCIENTIFIQuE

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Et, sans doute, la révélation, souvent confuse par sa complexité même, toujours mouvante et imparfaite dans sa signification précise, qui résultera d'un semblable examen, n'aura jamais, ni la rigueur de détermination, ni la force de conviction, qui s'attachent aux sources formelles. Il n'en reste pas moins vrai, qu'elle
nous présente, à l'image et un peu au-dessous de l'analogie proprement dite, un
procédé de découverte juridique, tirant sa force d'une nature des choses vraiment
positive, et procurant à l'interprète des éléments objectifs d'appréciation, capables
d'assurer une sérieuse direction à son jugement208.
168. Mais, il faut aller plus loin encore ; et, pénétrant jusqu'au dernier fonds de
la nature des choses, ouvrir à la jurisprudence, pour lui permettre de remplir complètement sa mission, un ordre de recherches, plus large et plus librement scientifique.
Les éléments positifs de l'organisation sociale, tels qu'ils existent en fait, et se
manifestent pour ainsi dire à l'état statique, ne suffiront pas toujours à suggérer
les règlements juridiques désirables. Il faudra, parfois, dépasser les résultats
acquis, et, sans se contenter des apparences d'un équilibre incertain ou trompeur,
scruter, en elle-même, et dans son essence dynamique, la nature individuelle et
sociale de l'humanité, pour lui arracher le secret des règles, qui la doivent diriger,
sous la sanction sociale. Ce ne serait plus assez, de constater des tendances, mal
assurées, équivoques, précaires, parfois même, mauvaises. Il s'agira, donc, de
s'adresser aux sciences de la vie sociale (sciences morales et politiques), dans ce
qu'elles ont à la fois de plus élevé et de plus pratique, pour en tirer les lignes essentielles, permettant à l'interprétation juridique, d'ordonner, jusque dans le détail,
les rapports humains qui rentrent dans sa sphère209.
Ici interviendrait, au premier rang, la sociologie. Et, si cette science réalisait
jamais les espérances, qu'on a fondées sur elle, j'estime qu'elle suffirait, tout à fait,
à nous donner les clartés nécessaires210. Malheureusement, l'état d'indétermination, et presque d'« amorphisme », auquel la condamnent encore, non moins que
sa jeunesse, la complexité un peu confuse de son objet, et dont elle ne pourra
sortir que par une orientation ferme et par le choix d'une méthode précise211, ne
nous permet pas, à l'heure actuelle, d'attendre de cette science un secours efficace212. Et, provisoirement, du moins, nous devons nous en tenir aux anciens
cadres, pour demander aux disciplines compétentes, les enseignements utiles, que
chacune peut apporter ici ; étant bien entendu, d'ailleurs, qu'il s'agit, pour nous,
de trouver, en elles, de simples moyens d'investigation, en vue du but, essentiellement positif et pratique, qui reste l'objectif indépendant de nos efforts.
208. [Voy., à cet égard, quelques développements intéressants, dans A. Alvarez, Une nouvelle
conception des études juridiques et de la codification du droit civil, Paris, F. Pichon et Durand-Auzias,
1904. p. 111-149. Comp. p. 171-174 ; p. 187-188 ; p. 221-222.]
209. [Comp. P. Vander Eycken, Méthode positive de l'interprétation juridique, Bruxelles et Paris,
1907, p. 112 (n° 61). Adde n° 254, p. 418-422.]
210. Voy. Ed. Gauckler, De la peine et de la fonction du droit pénal au point de vue sociologique,
p. 5-6 ; cpr. p. 1-4. - Adde G. Richard, La philosophie du droit et la sociologie juridique, dans Revue
philosophique, décembre 1898, t. XLVI, p. 645-660. [- Voy. encore R. de la Grasserie, Les principes
sociologiques du droit civil, Paris, Giard et Brière, 1906. - Th. Sternberg, Einführung in die Rechtswissenschaft. 2 À., t. I, Leipzig. Göschen, 1912. § 12, n° 2, p. 143-146. Comp. p. 188-189 (§ 14).]
211. Comp.  É. Durkheim, Les règles de la méthode sociologique, 1895, qui me paraît vouloir
beaucoup trop isoler la sociologie des sciences, qui la touchent et la complètent. [- Adde Fr. Geny,
Science et technique en droit privé positif, Paris, Sirey, t. II, 1910, chapitre troisième (VIII). L'École
sociologique, nos 80-86, p. 52-86.
212. [Comp.  E.  R. Bierling, Juristische Prinzipienlehre, t.  IV, Tübingen, J.  C. B. Mohr, 1911,
p. 366-372 (§ 56, n° 7).]
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