Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 2 - 94

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MÉTHODE D'INTERPRÉTATION ET SOURCES EN DROIT PRIVÉ POSITIF

Or, sans prétendre être complet, et sans viser à mettre en ce sujet une précision qu'il ne saurait comporter, j'observe, qu'on peut distinguer, assez nettement
deux ordres de connaissances, susceptibles d'éclairer notre recherche : les unes,
plus proprement scientifiques, se rattachant à l'ordre théorique, tendant à découvrir et à analyser, dans leur nature intime, les éléments d'activité humaine, qui
forment la trame des problèmes juridiques ; les autres, d'un, caractère plutôt
empirique, composant ce que j'appellerai l'ordre pratique, consistant en révélations de la vie vécue, et projetant une lumière indirecte, mais souvent plus saisissante, sur les questions que nous avons à résoudre.
Au premier point de vue, et comme sciences directement auxiliaires de nos
recherches, il suffit de signaler notamment : la philosophie générale, nécessaire
pour éclairer toute investigation scientifique, en précisant ses conditions, en déterminant ses moyens, et pour centraliser les données des autres branches, en les
ramenant sans cesse au but poursuivi213 ; - la psychologie, aidant à distinguer, du
hasard de la nature, la part de la volonté libre dans les choses de la vie, et révélant
les impulsions instinctives ou subconscientes de l'humanité214, soit en considérant
la personne isolée, comme psychologie individuelle215, soit en envisageant les
groupes humains, comme psychologie collective, sociale, ou des peuples216 ; -
l'éthique, tant individuelle que sociale, qui, en faisant connaître les exigences d'un
ordre supérieur aux intérêts matériels, assignera souvent un idéal précis aux solutions cherchées, en tout cas leur imposera des lignes infranchissables217 ; - le droit
public rationnel, seul capable de déterminer les sacrifices, que l'intérêt de tous,
synthétisé dans les droits de l'État, peut demander aux droits de chacun, et de
poser les bases générales de l'harmonie des libertés218 ; - l'économie politique,
scrutant les causes du développement général de la richesse, tant publique que
privée, et posant les principes directeurs de l'utilité générale, qui demeure le pivot
de parties capitales de notre science219.
213. Sur l'importance de la philosophie générale, voy. : A. Fouillée, dans Revue politique et
parlementaire, 1898-2°, t. XVI, p. 529-533, et 1898-3°, t. XVII, p. 13-15. - Et, sur le caractère hautement philosophique de la dogmatique du droit : R. tou Jhering, dans Jahrbücher für die Dogmatik,
t. I, 1857, p. 19-20.
214. [Cous. A. Grouber, Une théorie psychologique du droit (théorie de Petrazycki), dans
Revue trimestrielle de droit civil, 1911. t. X, p. 531-579. - Et, sur la psychologie, envisagée comme élément régénérateur du droit positif contemporain, voy. ci-après ; Épilogue ajouté à la seconde édition
(du présent ouvrage), chapitre premier, n° 191, II, b.]
215. Comp. É. Beaussire, Les principes du droit, 1888. p. 30.
216. Voy. : G. Le Bon, Les lois psychologiques de l'évolution des peuples, 1894. - Psychologie des
foules, 1895. - C. Bouglé, Les Sciences sociales en Allemagne, 1896, p. 18-42 et p. 158. - R. Worms,
Psychologie collective et Psychologie individuelle, dans Séances et travaux de l'Académie des sciences
morales et politiques, février 1899, t. CLI, p. 195-221 - A Fouillée, La Psychologie du peuple français,
2e éd., 1898, notamment p.  73-74. [- W.  Wundt, Völkerpsychologie, Leipzig, Engelmann, puis
A. Kröner, 9 vol., 1900-1917.]
217. [Sur les aspirations, d'ailleurs fort vagues, de l'éthique contemporaine, voy. Morale sociale,
Paris, Alcan, 1899, avec préface d'É. Boutroux, notamment p. II, p. VI-VII.]
218. Adde, sur le rôle de l'État dans la réalisation du droit : O. Gierke, Deutsches Privatrecht, t. I,
1895, p. 118.
219. On a souvent signalé une opposition prétendue des idées juridiques et des idées économiques.
Voy. notamment : Cournot, Traité de l'enchaînement des idées fondamentales, 1861, nos  471-475,
t. II. p. 241-249. - Considérations sur la marche des idées, 1872, t. II, p. 329-336. - Matérialisme, Vitalisme, Rationalisme, 1875, p. 217-219. - Revue sommaire des doctrines économiques, 1877, p. 47-49. -
Mais, si cette opposition est exacte historiquement, elle ne saurait l'être rationnellement, et doit disparaître, comme semble d'ailleurs le reconnaître Cournot, à la fin des trois derniers passages précités.
- À un autre point de vue, on a, très puérilement à mon sens, prétendu subordonner le droit à
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