Anthologie du droit - Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Tome 2 - 99

LA LIBRE RECHERCHE SCIENTIFIQuE

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observation se complétera nécessairement de classification, inspirée déjà par une
certaine conscience du but à satisfaire. Cette conscience devra se préciser encore
et aboutir à un résultat décisif, quand il faudra établir la règle des rapports précédemment dégagés. Œuvre propre de la jurisprudence positive, cette règle, qui
domine les faits, encore qu'elle soit, en partie, révélée par eux, trouve son fondement véritable, dans un ordre de choses supérieur, que l'effort de la pensée peut
seul entièrement découvrir245.
Voilà pourquoi, bien qu'on en ait pu dire246, la pure observation sociale, dont
je suis loin assurément de méconnaître l'importance capitale, que même je n'hésite
pas à signaler, en première ligne, comme un élément indispensable de la méthode
juridique, nécessaire à la fois pour bien poser les problèmes, voire pour en pressentir les solutions, ne peut cependant, et alors même qu'on y joindrait une classification rationnelle, mener au but dernier de la science, sans le raisonnement,
qui, appuyé du sentiment intime, complète l'intuition première et permet seul
d'édifier les principes, d'où une déduction, avisée et sans cesse contrôlée par le
sens pratique, déduira des conséquences plus précises247.
Ayant, avant tout, à découvrir une règle générale et abstraite, susceptible
d'adaptation aux hypothèses particulières et concrètes de la vie, l'interprète du droit
positif doit placer, à la base de son appréciation, la notion de normalité, comme
dominant tout jugement d'ensemble248. C'est-à-dire, qu'il doit se proposer, comme
type, l'hypothèse la plus générale, donnant lieu à la question qui lui est soumise, et
qu'il doit envisager, les conditions aussi bien que les effets, de la règle à établir, en
dehors de toute rencontre extraordinaire et suivant les prévisions probables249, sauf
à tenir compte des particularités des espèces, pour les ajustera la règle elle-même.
Au surplus, il reste bien entendu, que la recherche scientifique de l'interprète
n'intervient, avec une pleine liberté, que pour suppléer les sources formelles (loicoutume) défaillantes. Et, j'ai indiqué, d'avance, que son exercice est plus étroit ou
plus large, aussi bien que la portée de ses résultats est plus ou moins ferme, suivant qu'elle peut s'appuyer, soit à l'analogie, soit à des éléments objectifs
exprimant un équilibre social acquis, ou bien, suivant, qu'à défaut de tout appui
positif, elle reste purement abandonnée à elle-même.
245. Voy. notamment : O. Gierke, Deutsches Privatrecht, § 15, II, 5, t. I, 1895, p. 116-117.
246. Voy. notamment : H. Taine, Les origines de la France contemporaine. Le Régime moderne,
t.  II, 1894, p.  204-206. - Cpr.  L.  Duguit, dans Revue internationale de l'enseignement, 1889-2°,
t.  XVIII, p.  486, 492, 498. - Adde : A. Béchaux, Le Droit et les Faits économiques, 1889, p.  30. -
J.-B. Ripert, La méthode de la science juridique, marseille, 1897, p. 28-63. - P. Isambert, L'évolution des
idées juridiques vers l'observation sociale, dans La Science sociale, février 1897, t. XXIII, p. 93-116.
247. Comp. Saleilles, dans Revue internationale de l'enseignement, 1890-1°, t. XIX, p. 497-498 et
p. 485-486. - C. Appleton, même revue, 1891-1°, t. XXI, p. 241-246. - Despagnet, même revue, 1891-2°,
t. XXII, p. 16-19. - Turgeon, même revue, 1895-2°, t. XXX, p. 223-225. - Voy. aussi : St. Mill, Système
de logique, liv.  VI, chap.  VI-XI ; notamment, dans traduction L.  Peisse, 1864, t.  II, p.  463-549. -
C. Sigwart, Logik, §§ 103-104, passim, t. II2, 1893, p. 695-748. [- E. H. Perreau (Technique de la jurisprudence pour la transformation du droit privé, surtout § III), dans Revue trimestrielle de droit civil, 1912,
t. XI, p. 609-665, met en relief l'influence des considérations rationnelles sur la jurisprudence.]
248. Comp. É. Durkheim, Les régies de la méthode sociologique, 185, p. 59-93. - Adde : De la
division du travail social, 1893, p. 33-38 - Et, pour une application à la jurisprudence positive, voy.
R. von Jhering, Fondement des interdits possessoires (Der Grand des Besitzesschutzes), § XI. p. 169171 de la trad. franç., 1882.
249. Rappr. Celsus, fr. 4 et 5, D., De Legibus, I, 3 : « Ex his, quæ forte uno aliquo casu accidere
possunt, jura non constituuntur. - Nam ad ea potius débet aptari jus, quæ et fréquenter et facile,
quam quæ perraro eveniunt. » - Comp. Pomponius, fr. 3 et Paul, fr. 6, eod. tit.
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