Contextes - Le travail dans son droit - 108

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LE TRAVAIL DANS SoN DRoIT

au « syndicalisme de proposition » et au dialogue social.12 Pour autant,
les « réformateurs » sont d'abord des hauts fonctionnaires, pour lesquels
l'État reste le lieu central d'exercice de l'autorité, même s'ils défendent
ce que Philippe Bezes a appelé un « réformisme des contre-pouvoirs »13,
partagé entre sens de l'État et la volonté d'en appeler aux acteurs sociaux
hors de l'État au nom de la nécessaire « débureaucratisation ».

Encadré 18
Pierre Cabanes, haut fonctionnaire
Pierre Cabanes, aujourd'hui responsable d'un cabinet de conseil en
ressources humaines, devient directeur du Travail en 1977. Conseiller d'État,
gaulliste social, il défend le principe de la négociation sociale à tout prix, avec
une forte présence de l'État, qui n'a pas seulement une mission d'arbitre,
mais aussi celle, d'après les termes qu'il utilise dans l'entretien qu'il a accordé
à Hélène Michel dans le cadre d'une enquête collective menée sur la réforme
des prud'hommes en 1979, de « siffler la fin de la partie »14. L'ensemble des
partenaires sociaux ont alors un accès facile à son bureau, et ce souci de négociation se donne particulièrement à voir dans la manière dont il va mener au
début de l'année 1980 des dizaines d'heures de négociation pour rédiger les
décrets accompagnant la réforme des prud'hommes15.

La dernière période est celle des premières années du septennat de
François Mitterrand. À la suite de la victoire du candidat socialiste aux
élections présidentielles en mai 1981, de l'obtention par l'union de la gauche
d'une majorité absolue à l'Assemblée nationale et de l'entrée de ministres
communistes au gouvernement, toute une série de réformes sociales
d'ampleur sont mises en œuvre. En l'espace de deux années, elles transforment profondément le droit du travail : en plus de l'augmentation du SMIC
de 10 %, la durée hebdomadaire du travail est fixée à 39 heures et les salariés
12. Pour une analyse sociologique de cette conversion institutionnelle et organisationnelle, cf. N. Dufaud, « De l'autogestion au syndicalisme de proposition. Sociologie d'une
conversion sans convertis », in C. Guilaume (dir.), La CFDT : sociologie d'une conversion
réformiste, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014, p. 19-36.
13. P. Bezes, Réinventer l'État : les réformes de l'administration française, 1962-2008,
Paris, Presses universitaires de France, 2009, p. 148 et s.
14. Entretien du 2 février 2006.
15. Pour une analyse de la réforme de 1979, cf. H. Michel et L. Willemez, « Les
prud'hommes et la représentation du monde du travail : État et partenaires sociaux dans la
réforme d'une juridiction du travail », in L. Duclos, G. Groux et o. Mériaux (dir.), Les
nouvelles dimensions du politique : relations professionnelles et régulations sociales, Paris,
LGDJ, 2009, p. 69-81.
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