Contextes - Le travail dans son droit - 110

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LE TRAVAIL DANS SoN DRoIT

dans l'entreprise. Jean Auroux écrit ainsi dans l'introduction de son rapport :
« il n'apparaît pas conforme aux choix et aux intérêts des Français de mettre
en place une législation pesante composée de blocages. Une large place doit
être laissée à l'initiative des partenaires sociaux d'organiser, dans le cadre de
la loi, le travail des hommes et la vie de l'entreprise »19. Rejetant le légicentrisme et renvoyant en partie la production des normes aux « partenaires
sociaux », les lois Auroux sont ainsi très fortement inspirées de la CFDT
et des courants de la gauche que l'on pourrait qualifier d'antiétatiques,
même si elles favorisent l'ensemble des organisations syndicales, et donc le
syndicat dominant, la CGT, et peuvent ainsi apparaître comme permettant
le développement d'un contrôle ouvrier sur la bonne marche de l'entreprise.
Ce qui apparaît aujourd'hui comme la dernière construction ambitieuse
d'un droit du travail protecteur des salariés peut ainsi être vu de deux manières :
soit comme l'aboutissement d'un siècle de protection légale des travailleurs
et de développement d'une présence syndicale au sein de l'entreprise, soit
comme le véritable moment de déclenchement d'une nouvelle structuration du dialogue social, qui serait la première étape d'une « déstabilisation
multiforme de la représentativité syndicale »20 et de l'ensemble des manières
d'exprimer les rapports (de force) entre syndicats et patronats qui avaient
cours depuis 1945. L'imposition de négociations au sein des entreprises estelle le préalable aux lois Aubry sur les 35 heures élargissant la négociation
au temps de travail, aux lois de « modernisation » du dialogue social de la fin
des années 2007 et 2008, et enfin à la loi El Khomri du printemps 2016 et aux
ordonnances de l'automne 2017 privilégiant les référendums d'entreprises
aux formes syndicales de représentation des salariés ? ou bien constituet-elle une occasion, peut-être ratée, peut-être en décalage avec l'air du temps
néo-libéral qui se déploie ensuite, de favoriser l'imposition d'un nouveau
rapport de forces au sein du monde du travail ? on ne peut trancher cette
question, sauf à rappeler que, même s'il existe incontestablement à l'époque
un consensus dominant autour de la remise en cause des logiques agonistiques entre employeurs et salariés, il est toujours plus facile d'analyser le
passé lorsque l'on connaît la suite de l'histoire. Il vaut sans doute mieux en
revenir aux prises de position dans ces années, et à la manière dont les lois
Auroux sont saluées par l'ensemble des acteurs du monde du droit du travail
défendant les salariés comme une avancée de grande ampleur et comme une
étape dans l'histoire du droit du travail. Comme l'écrit Alain Supiot, « Les
lois Auroux ont au fond abordé le travail comme on le fait d'un monument
19. J. Auroux, Les droits des travailleurs : rapport au Président de la République et au
Premier ministre, Paris, La Documentation française, 1981, p. 4.
20. S. Béroud, J.-P. Le Crom, et K. Yon, « Représentativités syndicales, représentativités
patronales. Règles juridiques et pratiques sociales. Introduction », Travail et Emploi, 2012,
no 131, p. 10.

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