Contextes - Le travail dans son droit - 134

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LE TRAVAIL DANS SoN DRoIT

des avocats, il reste que tous les témoignages concordent pour montrer que
certains avocats travaillistes, par ailleurs communistes, étaient les défenseurs officiels et habituels des syndicats CGT. Et que leur clientèle - et
par conséquent le bon exercice de leur activité professionnelle - était très
fortement liée à leur appartenance politique et à leur proximité syndicale.
Ce complexe juridico-syndical se constitue donc dans les années 1970 et
perdure comme nous le montrerons dans les années 1980 et 1990, même
après le déclin du Parti communiste, avec quelques figures centrales comme
Michel Henry mais aussi Paul Bouaziz (cf. encadré 25), ou encore le cabinet
réunissant à Nantes Jean Danet, Dominique Raimbourg et Danielle Frétin.
Cette dernière est aujourd'hui encore spécialisée dans le droit du travail65.
Au-delà de ces logiques organisationnelles et professionnelles, la ligne
politique de la CGT en matière de droit et de justice semble être guidée
par un double mouvement. D'un côté, le respect de la tradition de défense
juridique et judiciaire, et par conséquent individuelle, des salariés aux
prud'hommes. D'un autre côté, la volonté de défendre un usage du droit
et de la justice qui soit plus collectif et plus offensif. Il n'y a sans doute
pas de solution de continuité entre ces deux aspects du répertoire syndical
de l'action juridique, et une activité traditionnelle et peu visible cohabite
avec des coups de force juridiques et judiciaires revêtant une forte portée
médiatique et politique et replaçant par là même la confédération dans une
lutte symbolique avec la CFDT.
D'où aussi le caractère exemplaire d'un certain nombre de luttes syndicales et judiciaires propres à cette période, comme l'affaire du Parisien libéré
entre 1975 et 1977. Face à la direction de ce quotidien qui décide de ne plus
appliquer la convention collective de la presse parisienne, la Fédération
du livre, armée de ses avocats - en particulier de Michel Henry -, multiplie les procédures aux prud'hommes, au tribunal administratif ou au
tribunal de grande instance, en appui à une très longue grève des ouvriers
du Livre. Peu importe finalement que l'utilisation de « l'arme du droit »
soit offensive ou défensive66. L'important est que les usages du droit et de
la justice sont ici enserrés dans une logique collective et combative, dans
une combinaison entre mobilisations sur les lieux de travail et mobilisations
judiciaires67. Le droit est alors un outil comme les autres dans la lutte des
65. on ajoutera que les avocats de ce cabinet défendaient aussi les agriculteurs militant
dans le mouvement des paysans-travailleurs, devenu Confédération paysanne. (D'après le
témoignage de Jean Danet).
66. Comme le montre Jean-Pierre Le Crom : J.-P. Le Crom, « La stratégie judiciaire de
la CFDT dans les années 1960-1070 », art. cit., p. 75.
67. C'est par exemple ce que montre plus généralement Francine Soubiran-Paillet :
F. Soubiran-Paillet, Le Recours à la justice dans les conflits du travail : histoire d'un
détour, Paris, CESDIP, 1987, 241 p.

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