Contextes - Le travail dans son droit - 141

UNE « CoNCEPTIoN oFFENSIVE DU DRoIT DU TRAVAIL »

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permanence de la lutte des classes, et le droit comme « reflet » de la
société bourgeoise et expression de la réalité du monde du travail. Cette
préoccupation se traduit aussi bien par de longs articles de doctrine,
souvent rédigés par Paul Bouaziz, que par des comptes- rendus de
lectures d'ouvrages publiés par des universitaires souvent proches de
la CGT - même si parfois un clin d'œil est fait à des sympathisants de
la CFDT. Cette approche académique se donne aussi à voir lorsqu'il
s'agit de défendre les proches de la CGT qui ne trouvent pas de postes
à l'Université ou de publier des nécrologies. Prises de position au sein du
champ académique, ces articles ont alors vocation à soutenir les travaillistes dans leur effort pour imposer le droit du travail et la conception
qu'ils en ont au sein des facultés de droit82.
Si les organisations syndicales donnent une place importante aux académiques, la réciproque est beaucoup plus rare. Droit social ne leur laisse
guère de place. Les syndicalistes spécialisés dans le droit sont totalement
absents des Mélanges, dont on aurait pu penser qu'ils sont l'expression de
ce milieu en constitution. C'est dire que les « lieux neutres » que sont les
colloques et les revues ne transforment pas la structure du champ juridique,
globalement marquée par la fermeture sociale et le monopole des professionnels étiquetés comme tels. Tout au plus assiste-t-on à des collaborations,
prenant souvent la forme d'une division du travail, rendues possibles par
des proximités politiques et sociales et par des conjonctions d'intérêts.
Les années 1970 apparaissent ainsi à plusieurs titres comme le
moment de consolidation du droit du travail : d'abord, parce que les
règles juridiques encadrant le travail salarié se sont multipliées et ont
élargi leur domaine d'intervention. Ensuite, parce que dans plusieurs
espaces professionnels (monde des juristes académiques, profession
d'avocat, organisations syndicales) émerge une spécialisation en droit
du travail. Enfin, parce que au sein de ces différents groupes certains
acteurs choisissent de mettre en commun, provisoirement et partiellement, des ressources pour que puisse émerger un univers particulier, celui
du droit du travail orienté vers la défense des salariés. Si cet univers se
développe dans les décennies qui suivent, il va se trouver confronté, avec
le tournant néo-libéral des politiques publiques, à un autre segment du
droit du travail, celui défendu par les employeurs et portant une vision
entrepreneuriale, qui fait du marché (en particulier du marché de l'emploi)
le mode principal et à visée monopolistique de régulation du monde du
travail. Telle est sans doute la rançon du succès du droit du travail qui se
82. Le meilleur exemple en est sans doute l'article de G. Gaumé et F. Saramito intitulé
« De la faible audience du droit social dans l'Université française », publié dans Le Droit
ouvrier de janvier 1978 (p. 1).

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