Contextes - Le travail dans son droit - 52

LE TRAVAIL DANS SoN DRoIT

associations comme le Musée social ou l'Association française de lutte
contre le chômage.
L'un de ces lieux mérite une attention particulière : il s'agit de
l'Association française pour la protection légale des travailleurs.
L'association est créée en 1901 après le Congrès international pour la
protection légale des travailleurs organisé à Paris l'année précédente80. Ce
congrès est organisé au Musée social, par une commission présidée par
Paul Cauwès, professeur d'économie politique, et rassemblant, pour la
partie française, des fonctionnaires de la direction du travail, des membres
de l'office du travail et du Conseil supérieur du travail (et donc à ce titre
quelques syndicalistes), des professeurs de droit et des hommes politiques (le congrès est ainsi ouvert par Alexandre Millerand, ministre du
Commerce, auquel est encore rattachée la direction du travail). Le discours
d'ouverture de Paul Cauwès résume parfaitement l'état d'esprit qui préside
au développement de ce qui est donc appelé, dans ces milieux experts, la
« protection légale des travailleurs ». Il insiste sur la nécessité d'une législation encadrant le travail industriel, qualifiée de « sollicitude pour les intérêts
des travailleurs » ou plus précisément de la « longue série de lois successives
d'où résulte (...) la tutelle légale du travail ». Il s'agit alors de défendre
un « courant interventionniste », à la fois contre le « socialisme d'État » et
contre les « individualistes intransigeants » qui refusent tout cadrage légal
du travail industriel. Comme l'explique Michel Cointepas, la constitution
d'un réseau international d'entrepreneurs de législation industrielle (en
l'occurrence principalement en Allemagne, en Suisse, en Italie et en France)
renvoie à la prise de conscience de la nécessité d'homogénéiser a minima
les règles juridiques encadrant le travail, de manière à lutter contre ce que
l'on appellerait aujourd'hui le dumping social. Mais il s'agit aussi, pour
les défenseurs français de la législation industrielle, de prendre appui sur
l'existence d'exemples européens qui sont autant de formes de légitimation
de l'entreprise française de « légalisation » du travail industriel81.
Ces lieux de réunion de personnalités défendant la protection juridique des travailleurs constituent des lieux de sociabilité mais aussi des
80. M. Cointepas, « L'entrée de la direction du travail dans les relations internationales
à travers la naissance du droit international du travail », Cahiers du Chatefp, 2007, no 7.
81. Il faudrait prolonger la réflexion sur l'émergence d'un droit international du travail au
début du siècle, pour montrer comment, dans le cadre général du développement d'échanges
transnationaux dans de nombreux espaces sociaux, et qui réunissent, de la même manière
que pour la protection légale des travailleurs, personnels académiques, politiques et administratifs, c'est un cadre juridique commun à une partie de l'espace européen qui se constitue
et prend forme après la guerre autour de l'oIT et des tentatives de gouvernements transnationaux. Sur ces questions, cf. G. Sacriste et A. Vauchez, « Les "bons offices" du droit
international : la constitution d'une autorité non politique dans le concert diplomatique des
années 1920 », Critique internationale, 2005, no 26, p. 101-117.

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