Contextes - Le travail dans son droit - 58

LE TRAVAIL DANS SoN DRoIT

réformiste pendant la guerre, invente une revue structurée à la manière des
périodiques juridiques (articles de doctrine, commentaire de jurisprudence,
publication de documents officiels), mais proposant des articles juridiques
moins à destination des ouvriers que de leurs représentants syndicaux. La
revue se combine ainsi avec les conseils juridiques donnés dans les bourses
du travail par la CGT.
En 1922, un article signé de G. Colon sur les accidents du travail des
apprentis précise ainsi : « La pratique des conseils judiciaires ouvriers montre
qu'une des dispositions de la loi de 1898 les plus méconnues est celle relative aux apprentis accidentés du travail. Il est donc utile de le signaler tant
aux intéressés eux-mêmes qu'aux permanents des syndicats [...] Malgré les
dispositions pourtant claires [du texte], presque chaque jour des victimes
viennent au Conseil judiciaire de l'Union des Syndicats de la Seine parce que
les compagnies d'assurances ou les patrons refusent de régler le demi-salaire
d'après le salaire de l'ouvrier valide le moins payé (...) Ces indications seront,
je l'espère, utiles aux permanents des syndicats, mais il serait bon d'ajouter
quelques conseils aux futures victimes. » (p. 13)

Il s'agit donc pour les auteurs des articles de faire de la pédagogie,
mais sans avoir la prétention de s'adresser directement au monde ouvrier.
Dans cette perspective, la revue est nettement structurée autour de trois
types d'acteurs : des responsables syndicaux, des avocats et des médecins
spécialistes de ce que l'on n'appelait pas encore la médecine du travail,
mais la médecine légale, de la « médecine sociale » voire de l'« hygiène
industrielle »95. Les trois médecins membres du comité de rédaction sont
ainsi membres du Syndicat de la médecine sociale96. De fait, la revue est
fortement tournée vers la question des accidents du travail et des maladies
professionnelles. Une autre des spécificités de la revue est donc d'être largement rédigée par des avocats, dont deux émergent tout particulièrement :
Suzanne Lévy et Maurice Juncker (cf. encadré 8).

F. Genevée, « Les revues. Le droit ouvrier dans les années 20 », art. cit. Il faut noter que
la revue a connu un certain nombre d'aléas : elle cesse de paraître en 1927, puis renaît en
1935, et enfin en 1948.
95. S. Buzzi, J.-P. Devinck et P.-A. Rosental, La santé au travail : 1880-2006, Paris, La
Découverte, 2006, p. 21 et s.
96. Dans le n° 4 de la revue, toujours en 1922, un hommage est rendu à Divernesse,
récemment décédé et membre du comité de rédaction. L'auteur y met l'accent sur la fondation du « Syndicat de la médecine sociale », « qui, dans son esprit, devait comprendre non
seulement des médecins, mais aussi des juristes, des hygiénistes, en un mot des socialistes
humanitaires, sans étiquette politique ou confessionnelle [...] Diverneresse entra au Conseil
judiciaire de la Seine, où il travailla activement aux côtés de Beausoleil et de Quillent [...]
Une jurisprudence toute entière, on peut le dire, fut son œuvre. Le "Droit ouvrier", dont
il fut le fondateur, ne retrouvera pas de longtemps un soutien pareil. »

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