Contextes - Le travail dans son droit - 67

LE DRoIT DU TRAVAIL

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les années 1930, les réformes sociales sont ainsi d'abord le fait d'« une technocratie d'État imprégnée par les idées de réforme sociale puis concrétisée
par une technocratie rationalisatrice »8. De fait, ingénieurs, hauts fonctionnaires (et en particulier conseillers d'État), patrons modernistes promoteurs
de nouvelles formes d'organisation du travail défendent un ensemble de
valeurs communes propres à cette élite « non conformiste » des années 1930
qui défend une « troisième voie » entre libéralisme et socialisation9 : rationalisation de l'économie et des entreprises, « néo-capitalisme » marqué par
l'économie organisée plutôt que par l'économie planifiée, réconciliation du
capital et du travail et atténuation de l'antagonisme des classes10 ; comme
on le verra, un certain nombre d'entre eux iront jusqu'à promouvoir le
retour d'une organisation corporatiste du travail, qui trouvera sa terre
d'élection dans le régime de Vichy. Dans les années 1930, on retrouve ces
« modernisateurs » au Conseil national économique (CNE), mais aussi au
ministère du Travail et dans des comités de rédaction de revues. Le jeune
conseiller d'État Pierre Laroque est particulièrement représentatif de cette
technocratie qui, dans le champ social comme dans le reste des secteurs
de l'action publique, prend le pouvoir, et défend une vision apaisée des
relations sociales, tout en ayant conscience du fait qu'il existe des classes
sociales et une lutte entre ces classes.

Encadré 9
Pierre Laroque (1907-1997), haut fonctionnaire
Fils d'un magistrat, Pierre Laroque entre au Conseil d'État en 1929.
Il devient en 1931 chargé de mission puis chef de cabinet du ministre du
Travail et de la Protection sociale, Adolphe Landry. En 1933, il est choisi
par Georges Cahen-Salvador, secrétaire général du CNE, pour être le
rapporteur du débat sur les conventions collectives, qui a lieu jusqu'en
1934 dans cette institution. En 1938, il devient l'un des membres de la Cour
supérieure d'arbitrage. Mobilisé en 1939, il est exclu du Conseil d'État du
fait de la loi antisémite du 10 octobre 1940. Résistant à Lyon, il rejoint le
général de Gaulle à Londres en 1943 pour préparer la réorganisation de
l'administration française à la Libération. Directeur général de la Sécurité
sociale entre 1944 et 1951, il prépare avec Alexandre Parodi puis avec
8. C. Omnès, « Les acteurs sociaux et politiques et le délai-congé (1890-1936) », op. cit.,
p. 397.
9. J.-L. Loubet del Bayle, Les non-conformistes des années 30 : une tentative de renouvellement de la pensée politique française, Paris, Éditions du Seuil, 2001, 562 p. ; L. Boltanski,
Les cadres : la formation d'un groupe social, Paris, Éd. de Minuit, 1982, p. 82-91.
10. F. Denord et o. Henry, « La 'modernisation' avant la lettre : le patronat français et
la rationalisation (1925-1940), Sociétés contemporaines, n° 68, 2007, p. 83-104.
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