Précis Domat - Droit privé allemand - 2e - 262

DROIT PRIVÉ ALLEMAND
voisinage (zivilrechtlicher Nachbarschutz). De fait, les terrains, bâtis ou non, sont davantage
exposés à ce type de troubles que les biens mobiliers, ce qui explique l'existence de règles supplémentaires aux § 906 à 912 BGB. Ces textes précisent notamment les conditions dans lesquelles
le propriétaire d'un terrain doit tolérer certains troubles provenant d'un fonds voisin.
Il va de soi que toute action (Einwirkung) sur un terrain n'est pas nécessairement un trouble
au sens du § 1004 BGB. Le § 906 alinéa 1er BGB précise à ce propos que le trouble ne doit pas
créer une simple restriction « insignifiante » (unwesentlich), critère apprécié au cas par cas par les
juges du fond. La jurisprudence accorde une importance particulière à l'appréciation objective du
degré de nuisance, notamment pour les troubles liés au bruit, à la pollution de l'air et aux trépidations. Par ailleurs, le trouble doit être le fait de l'homme et ne pas consister en une nuisance
purement négative ou idéelle (negative oder ideelle Immissionen). S'en trouvent donc écartées les
privations de lumière, de soleil ou d'air, les perturbations de la réception d'ondes radiotélévisées,
mais aussi les pollutions dites « visuelles », telles que l'agression d'une enseigne lumineuse, l'entretien insuffisant d'un terrain voisin ou encore l'implantation d'un sex-shop dans le voisinage.
Dès 1911, le Tribunal de l'Empire a exclu cette catégorie de nuisances du champ d'application de
l'action négatoire, à propos d'une affaire dans laquelle un particulier était gêné par la vision de
baigneurs, en partie dévêtus, dans la piscine en plein air située à proximité immédiate de son
terrain67.
485

La protection contre les troubles du voisinage. Les limites. L'action en cessation ou en
élimination du risque ne saurait aboutir si le demandeur « est obligé de supporter [le trouble] »
(§ 1004 al. 2 BGB). Ce « devoir de tolérance » (Duldungspflicht) peut notamment résulter de
l'existence de servitudes (Dienstbarkeiten)68 ou d'autorisations administratives69 ou être justifié
par un danger émanant du terrain70. Le plus souvent cependant, il trouve son fondement dans le
§ 906 BGB. Selon ce texte, en plus du cas où le trouble crée une simple restriction
« insignifiante », le trouble doit être supporté lorsqu'« un inconvénient signifiant [...] est
conforme aux usages locaux et que les utilisateurs [du fonds voisin] ne sauraient l'empêcher par
des mesures économiquement supportables » (al. 2). Dans ce cas, une « compensation équitable »
(angemessene Entschädigung) sera due au propriétaire71.

486

Les autres actions contre le possesseur irrégulier. Les § 987 à 1003 BGB
prévoient des actions accessoires du propriétaire contre un possesseur irrégulier
du bien. Ces actions supposent que toutes les conditions de l'action en revendication soient remplies ; le possesseur ne doit donc disposer d'aucun droit sur la chose
(Vindikationslage). Dans ce cas, le BGB accorde au propriétaire un droit à la restitution des profits retirés du bien par le possesseur (§ 987 et 988 BGB) ainsi qu'aux
dommages-intérêts dès lors que la chose a été endommagée ou perdue fautivement
responsabilité civile, Bruylant, 2016, p. 307. V. aussi l'étude comparative : J. GAERTNER, Verschuldensprinzip und objektive Haftung bei nachbarlichen Störungen (troubles de voisinage) nach französischem Recht,
verglichen mit dem deutschen Recht, th. Fribourg-en-Brisgau, 1972.
67. Trib. Empire, 8 avr. 1911, réf. V 328/10, RGZ 76, p. 130.
68. V. infra nº 494 et s.
69. Tel est le cas notamment pour l'installation, sur un fonds voisin, d'une antenne-relais autorisée par
l'autorité publique (BGH, 13 févr. 2004, réf. V ZR 217/03 et 218/03 [2 arrêts], JZ 2004, p. 1080).
70. En vertu du § 904 BGB, « le propriétaire n'est pas en droit d'interdire l'intervention d'autrui sur sa
chose si cette intervention est nécessaire pour éviter un danger présent et si le dommage qui menace est
incomparablement plus grand que celui qui résultera pour lui-même de l'intervention ». Dans ce cas de
nécessité (Angriffsnotstand), le propriétaire peut tout de même réclamer réparation du dommage qui lui a
été causé.
71. Cette compensation en argent sera évaluée selon les principes qui régissent le calcul des indemnités
d'expropriation (BGH, 26 nov. 1982, réf. V ZR 314/81, BGHZ 85, p. 375). Le montant accordé est donc
généralement inférieur au montant d'une indemnité compensatoire au sens du § 249 al. 1er BGB.

■
■
■
■
■

262

Table des matières de la publication Précis Domat - Droit privé allemand - 2e