Précis Domat - Droit privé allemand - 2e - 281

LE DROIT DES BIENS

acquisition a non domino en cas de vol ou de perte de la chose (sauf en présence
d'espèces, de titres au porteur ou de choses vendues aux enchères publiques).
Dès lors qu'une acquisition a non domino n'est pas exclue, l'acquéreur ne
devient propriétaire de la chose que s'il est de bonne foi (guter Glaube). Le BGB
n'apporte qu'une définition négative de cette notion en disposant au § 932 alinéa 2
que l'acquéreur « n'est pas de bonne foi s'il savait que la chose n'appartenait pas à
l'aliénateur ou si son ignorance à cet égard résulte d'une négligence grossière de sa
part »156. De manière générale, le BGB exige par ailleurs que l'aliénateur ait été le
possesseur de la chose objet du transfert, la possession faisant présumer l'existence
d'un pouvoir de disposition. Cette idée selon laquelle la possession (immédiate ou
médiate) est une conditio sine qua non de l'acquisition a non domino n'est cependant pas pleinement consacrée dans le BGB157.
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Autres modes d'acquisition de la propriété. Comme le droit français, le BGB connaît d'autres modes d'acquisition de la propriété qui interviennent en l'absence d'acte juridique. Il en est
ainsi notamment pour la transmission de la propriété par incorporation (§ 946 et 947 BGB) ou par
transformation (§ 950 BGB)158. Signalons également les règles sur l'usucapion (Ersitzung), prévues par le § 937 alinéa 1er BGB, qui exigent une possession ininterrompue de la chose pendant
dix ans. Comme pour l'acquisition a non domino, l'usucapion est exclue si l'acquéreur n'était pas
de bonne foi lors de la prise de possession ou s'il a appris ultérieurement qu'il ne pourrait prétendre à un droit de propriété sur la chose (§ 937 al. 2 BGB)159.

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Comparaison avec le droit français160. L'exigence d'un acte de disposition distinct et le
maintien de sa validité même en présence d'un vice affectant le contrat de base semblent placer
le droit civil allemand aux antipodes du système français, qui repose sur le transfert de propriété
solo consensu. Il n'est dès lors guère surprenant que la question du transfert de propriété mobilière
soit l'une des plus étudiées dans la littérature comparatiste. Nous ne reviendrons plus sur les critiques qui ont visé les principes de séparation et d'abstraction dans la doctrine juridique, y compris
en Allemagne161. Rappelons toutefois que la simplicité du système français n'est qu'apparente et
que, dans de nombreux cas, le transfert du droit de propriété se trouve reporté à l'individualisation

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156. La bonne foi étant présumée, il appartient au tiers d'apporter la preuve de la mauvaise foi. Une
« négligence grossière » au sens du § 932 al. 2 BGB peut notamment être caractérisée par la violation d'un
devoir de renseignement (Erkundungspflicht) en présence de certains indices, tels que l'inexistence de la
carte grise lors de la vente d'un véhicule d'occasion entre particuliers ou un prix de vente particulièrement
bas alors que la chose, proposée en dehors des circuits de commercialisation habituels, est neuve.
157. Sur ce point, v. les propos éclairants de J. DUBARRY, Le transfert conventionnel de propriété, th.
préc. (note 16), nº 564 et s.
158. Pour plus de détails, v. en langue française H. STOLL, art. préc. (note 155), p. 183 et s.
159. Curieusement, il n'est toujours pas établi avec certitude si l'usucapion emporte un transfert définitif ou s'il entraîne, pour le propriétaire originel, un droit à compensation en vertu des règles sur l'enrichissement sans cause. Après un arrêt du Tribunal de l'Empire dans ce dernier sens (Trib. Empire, 6 oct. 1930,
réf. IV 583/29, RGZ 130, p. 69), la Cour fédérale de justice ne semble pas avoir pris position sur cette
question. Le jeu des règles sur la prescription extinctive rend cependant assez hypothétique l'existence
d'un droit à compensation de l'ancien propriétaire.
160. Sur cette question, v. en particulier J. DUBARRY, Le transfert conventionnel de propriété, th. préc.
(note 16), nº 205 et s. ; J.-S. BORGHETTI, « Problématique et enjeux du transfert de propriété en Europe »,
RDC 2013, p. 1684 et C. WITZ, « Analyse critique des règles régissant le transfert de propriété en droit
français à la lumière du droit allemand », in Festschrift Günther Jahr, Mohr, 1993, p. 533. V. aussi
F. CHARTIER, L'appropriation des meubles corporels en droit français et en droit allemand comparés, th.
Paris, 1952 ainsi que les références indiquées supra nº 298 (note 437).
161. V. supra nº 308.

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Première partie : Le droit civil allemand

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