Bibliothèque de droit privé - Le fiduciaire défaillant - Tome 563 - 391

LA RECONSTITUTION DU PATRIMOINE FIDUCIAIRE

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donc au trustee de prouver l'origine des fonds afin de pouvoir récupérer l'argent
qui lui appartient en sa qualité personnelle.
856. Cette présomption simple est inversée en droit français. Celui-ci présume que la masse appartient, pour sa totalité, au détenteur, laissant au titulaire
du droit réel le soin de prouver laquelle des choses détenues est précisément l'objet
de son droit154. Cette règle est parfaitement justifiée en droit commun, où il n'est
pas de raison de penser que les choses détenues par un individu appartiennent à
un autre. L'article 2276 du Code civil fait d'ailleurs présumer la propriété du possesseur des biens revendiqués. Mais la qualité de fiduciaire ne pourrait-elle pas
permettre d'inverser cette présomption ? Le fiduciaire, outre qu'il est tenu des
devoirs fiduciaires, dont la loyauté et la diligence constituent la plus haute expression155, doit également respecter certaines obligations relatives, notamment, à la
tenue de comptes séparés et, pour ce qui est de la monnaie, à l'ouverture de
comptes bancaires séparés156. Serait-il inéquitable, dans ces conditions, de faire
peser sur le fiduciaire défaillant, la charge d'établir que les biens qu'il détient le
sont en sa qualité personnelle et non en vertu du contrat de fiducie ?
857. Toutefois, il semble que l'introduction d'une telle présomption en droit
français serait sujette à diverses critiques d'ordre pratique et théorique, soutenues
d'arguments solides. Il faudrait d'ailleurs veiller à ce qu'elle ne puisse pas nuire aux
créanciers personnels du fiduciaire, l'idée étant seulement de permettre au bénéficiaire revendiquant de profiter d'une position favorable dans le litige qui l'oppose
au fiduciaire. Une telle présomption dépend simplement d'une politique législative, consistant à favoriser un bénéficiaire impuissant face à un fiduciaire qui avait
toutes les cartes en main et qui pourtant, par sa négligence, son incompétence ou
sa malhonnêteté, a causé un dommage au premier. L'admission d'une telle présomption en droit français n'est donc ni incontestable ni véritablement indispensable. Les deux présomptions suivantes sont cependant bien plus probantes.
858. Toujours dans l'hypothèse d'une confusion entre biens personnels du
trustee et biens du trust, le trustee est, en equity, présumé avoir retiré ses fonds personnels en premier157. Dans l'arrêt Re Hallet's case, Sir GEORGE JESSEL M.R. a
en effet posé pour principe que, « lorsqu'une personne fait une chose qui peut être
faite légalement, elle n'est pas admise à dire qu'elle a agi intentionnellement de
manière illicite »158. Ainsi, le trustee ayant pu retirer son propre argent pour réaliser
une opération en sa qualité personnelle, il ne peut déclarer qu'il a eu l'intention
d'utiliser l'argent appartenant au trust fund plutôt que son propre argent159.
154. Dans le même sens, S. TORCK, th. préc., n° 131 et P.-G. MARLY, th. préc., n° 215, p. 185 :
« Lorsque les biens remis sont confondus avec des choses identiques appartenant au détenteur, celui-ci
ne peut reconnaître les siens. Pour pouvoir disposer de ceux-ci, il ne peut être que propriétaire de
l'ensemble qu'ils forment avec les biens du remettant ». Adde, sur les différentes thèses relatives à
l'acquisition de la propriété par un dépositaire de choses de genre, W. DROSS, op. cit., n° 51-2, p. 100.
155. Sur ce point, supra, nos 645 et ss.
156. Sur le sujet, cf. supra, nos 537 et ss.
157. "Trustee always spends his own money first".
158. Re Hallett's Estate ; Knatchbull v. Hallett (1880) 13 Ch. D. 696, [1874-80] All ER Rep 793,
p. 805. Traduction par M-F. PAPANDREOU-DETERVILLE, th. préc., n° 847-1, p. 612.
159. Si la doctrine est unanime en ce qui concerne l'existence du principe, elle est toutefois divisée quant à sa nature. Pour certains, il s'agit d'une présomption irréfragable (J. MOWBRAY (s. la dir.
de), Lewin on trusts, Sweet and Maxwell, 18e éd., 2008, rééd. (avec suppl.) en 2012, nos 41 et ss. ;
M-F. PAPANDREOU-DETERVILLE, th. préc., n° 847-1, p. 612), pour d'autres, d'une application
http://www.158.Re http://www.159.Si
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