Bibliothèque de droit privé - Le fiduciaire défaillant - Tome 563 - 414

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LE FIDUCIAIRE DÉFAILLANT

l'auteur pour décider du caractère temporaire ou définitif de l'inexécution - et
donc du remède à octroyer - sont ambigus, car M. SAEDI tient compte de l'utilité de l'exécution. Or l'utilité est un concept subjectif qui prête par là même à
controverse. En outre, quelle utilité l'exécution du contrat peut-elle avoir, lors
même que les deux parties la refusent ?
902. La thèse de M. WERY se révèle plus séduisante, à condition que l'on y
intègre les vertus de l'astreinte, qui alourdit la condamnation à exécuter en
nature70. Non seulement son montant augmente avec le temps qui passe, mais
encore elle est parfaitement compatible avec le prononcé de dommages et intérêts
si, finalement, le débiteur ne s'exécute pas71. Ainsi la perspective d'une condamnation au paiement d'une somme d'argent d'un montant globalement supérieur
au dommage effectivement subi par le créancier a un effet fortement incitatif sur
le débiteur. À l'inverse, la thèse de M. WERY présente un moindre intérêt si l'exécution forcée est prononcée sans astreinte, car elle aboutit finalement à laisser
subsister un choix en faveur du débiteur qui, s'il ne s'exécute pas pendant suffisamment longtemps, sera finalement condamné aux dommages et intérêts ainsi
qu'il le souhaite72. Cependant, malgré l'intensité et la justesse de la démonstration
de M. WERY, il nous apparaît que l'interprétation de l'auteur est insuffisamment
nuancée, en ce qu'elle affirme que toute obligation peut être soumise à l'exécution
forcée. Ceci laisse en effet la porte ouverte aux dérives de l'exécution forcée d'obligations éminemment personnelles, relevant des libertés individuelles et interdisant, selon nous, toute forme de contrainte.
903. Aussi, nous pensons que l'interprétation historique classique de l'article 1142, qui autorise l'exécution forcée de toute obligation autre qu'éminemment
personnelle, doit prévaloir. Cette opinion semble d'ailleurs avoir les faveurs de la
jurisprudence et des projets et avant-projets de réforme du droit des obligations.
904. Évolutions du droit positif et droit prospectif. Il semblerait que, malgré la
réticence traditionnelle des juges à accorder l'exécution forcée des obligations de faire
ou de ne pas faire, la jurisprudence semble à présent elle aussi évoluer en ce sens73. En
70. L'astreinte a été officiellement introduite en droit français par la loi n° 72-626 du 5 juillet 1972 instituant un juge de l'exécution et relative à la réforme de la procédure civile, JORF du
9 juillet 1972, p. 7181, modifiée par la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures
civiles d'exécution, JORF n° 163 du 14 juil. 1991, p. 9228 et son décret d'application n° 92-755 du
31 juillet 1992 instituant de nouvelles règles relatives aux procédures civiles d'exécution, JORF n° 180
du 5 août 1992, p. 10530. Elle est codifiée aux articles L. 131-1 et ss. du Code des procédures civiles
d'exécution (tel qu'issu de l'ordonnance n° 2011-1895 du 19 déc. 2011 relative à la partie législative du
code des procédures civiles d'exécution, JORF n° 294 du 20 déc. 2011, p. 21464). Auparavant, l'astreinte était une pratique jurisprudentielle, avec tout ce que cela implique d'incertitudes, y compris sa
validité, sa nature, ses formes et sa liquidation. Sur le sujet, cf. not. A. ESMEIN, « L'origine juridique
et la logique de la jurisprudence en matière d'astreintes », RTD civ. 1903. 5 ; M. FREJAVILLE,
« L'astreinte », D. 1949, chron. 1 ; du même auteur, « La valeur pratique de l'astreinte », JCP G 1951.
I. 910 ; P. KAYSER, « L'astreinte judiciaire et la responsabilité civile », RTD civ. 1953. 209 ; E. VIOTCOSTER, Les astreintes, th. RENNES, 1966.
71. Code des procédures civiles d'exécution, art. L. 131-2.
72.Dans un sens proche, F. BELLIVIER et R. SEFTON-GREEN, « Force obligatoire et exécution
en nature du contrat en droits français et anglais : bonnes et mauvaises surprises du comparatisme », in
Etudes offertes à Jacques GHESTIN, Le contrat au début du XXIe siècle, LGDJ, 2001, p. 91, qui en déduisent
finalement que la condamnation aux dommages et intérêts doit être consacrée comme principe.
73. V. par ex., à propos de l'obligation de prendre livraison d'une chose, Com., 16 juin 1963,
Bull. civ. III, n° 316, de fournir un service, CA DIJON, 4 fév. 1999, JCP 1999. II. 10100, note
D. AMAUDRIC DU CHIFFAUT, ou encore relativement à l'exécution forcée d'un pacte de
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