Grands Colloques - Droit et surnaturel - 125

DROIT, FÉTICHISME ET SORCELLERIE EN AFRIQUE

117

une équipe, ne brillerait pas que par ses talents ; il faut un plus, un petit
supplément. Une bonne équipe, croit-on dans les milieux populaires et
même au-delà, devra son succès à son encadrement tant technique (sélectionneur, entraîneur, etc.)41 que spirituel (féticheur, marabout, etc.)42. La
dream team sera celle qui se sera octroyée les services du plus puissant
féticheur, le fétichisme comme variante de la sorcellerie lato sensu trouvant
dans le sport un terrain fertile. Que des fois où, à l'occasion de travaux
d'entretien d'installations sportives (stades, pistes...), n'a-t-on trouvé
enterrés ici ou là des restes d'animaux et/ou d'objets plus étranges les uns
que les autres (amulettes, statuettes, talismans, compositions diverses,
etc.)43... Que des fois où, lors de rencontres ou manifestations sportives,
n'a-t-on aperçu dans ou aux abords des lieux d'étranges personnages,
agitant d'étranges objets, se livrant à d'étranges rituels ! Ceci a pu faire
dire à un observateur, parlant du sport-roi, que ce n'était un secret pour
personne que les fétiches avaient la vie dure au Congo-Kinshasa et qu'il
y avait un « abus de fétiches » dans le monde du football44, et à un autre,
évoquant le catch : « Le catch congolais est l'un des sports les plus étranges
et décalés de la planète. Mélangeant fétiches et techniques de combat, il ne
ressemble à aucune autre discipline »45.
Partant de ce constat, le législateur congolais, mû par une volonté
d'assainir le monde du sport, d'éviter la réédition de certains drames46,
de faire triompher le naturel sur le surnaturel et redonner ainsi à l'activité
sportive sa vraie nature, a adopté une loi n° 11/023 du 24 décembre 2011
portant principes fondamentaux relatifs à l'organisation et à la promotion
41. L'expression « sorcier blanc », utilisée pour désigner un occidental (indo-européen)
nommé responsable sportif d'une équipe, et qui fait accomplir à celle-ci des exploits qui
sembleraient, si ce n'est surnaturellement, hors de sa portée, est ici une probante illustration.
42. Lire à ce propos un intéressant dialogue entre un sceptique et un crédule : K.C. Mabana,
« Le recours aux fétiches dans le sport », 19 janv. 2013, www.clavermabana.blogspot.fr.
43. Par fétiche, l'on peut entendre en effet tout « animal, végétal, minéral ou objet fabriqué chargé d'un pouvoir surnaturel maléfique ou bénéfique » : O. Massoumou et A.
J.-M. Qeffélec, Le français en République du Congo : sous l'ère pluripartiste (1991-2006),
op. cit., p. 207.
44. S. Plasse, « R.D. Congo : l'abus des fétiches est dangereux pour le football », 17 sept.
2008, www.afrik.com.
45. Cf. « Les sorciers du ring & catcheurs congolais », Exposition Colin Delfosse, sept.oct. 2014, www.institutfrancais.org.
46. En 2008, l'utilisation de fétiches lors d'un match de football a été à l'origine d'un
véritable drame à Butembo, ville du Grand Est congolais. Ne parvenant pas à marquer le
moindre but, un joueur, imputant ce fait aux pratiques fétichistes de l'équipe adverse, a cru
bon d'asperger d'eau la ligne du but des adversaires pour réduire le pouvoir des fétiches, ce
que le goal keeper de l'autre équipe n'a point apprécié. La suite ? : énervement, bousculades,
bagarre entre joueurs, invasion du terrain par les supporters, intervention de la police,
grenades lacrymogènes... treize morts et cinquante-quatre blessés. V. S. Plasse, « R.D.
Congo : l'abus des fétiches est dangereux pour le football », art. préc.
http://www.clavermabana.blogspot.fr http://www.afrik.com http://www.institutfrancais.org
Grands Colloques - Droit et surnaturel

Table des matières de la publication Grands Colloques - Droit et surnaturel
