Grands Colloques - Droit et surnaturel - 13

PROPOS INTRODUCTIFS

pour instituer après les diagnostics termites, amiante ou encore énergie, un
diagnostic fantômes... Mais, d'un autre côté, la position des juges auraitelle été la même si, dans la maison vendue, s'était déjà produite une chaîne
de meurtres... Rien n'est moins sûr !
* Enfin, droit et surnaturel, le thème a également une dimension
économique.
Dimension économique parce que le secteur de l'astrologie, de la voyance
est un secteur économique qui véhicule en France des dizaines de milliards
d'euros et qui le fait, si j'ose dire, avec une faible visibilité. On en parle
assez peu, et pourtant, comme tout autre secteur économique, ce secteur
professionnel mérite qu'on s'y arrête. Est-ce un milieu commercial ou
pas2 ? Est-ce un milieu dans le commerce ou hors commerce au sens de
l'article 1128 du Code civil ? On se souvient de l'arrêt Pirmamod de la
Cour de cassation qui avait annulé la cession d'un matériel de voyance au
motif que l'activité était illicite3. Mais c'était à une époque où existait encore
dans notre Code pénal un texte qui érigeait en contravention le fait de faire
professionnellement l'art de pronostiquer. Qu'en est-il aujourd'hui ? Sans
doute les orateurs de cette journée nous le diront et nous informeront ainsi,
non pas sur les financements occultes, mais sur les finances de l'occulte !
Dimension économique aussi car les entreprises s'intéressent de plus en
plus à la sérendipité, c'est-à-dire à la force du hasard et des coïncidences qui
permettent finalement de découvrir là où on n'attendait rien, de progresser
là où on pensait délicieusement flâner. Et cela parce que le chercheur aura,
subitement, regardé les choses différemment, de façon non peut-être pas
surnaturelle, mais a-naturelle ! Oui, la sérendipité est à la mode, au point
que de savants colloques et d'importants ouvrages lui ont été récemment
consacrés (on pense notamment à celui de la juriste Danièle Bourcier) et que
de plus en plus d'entreprises réservent à leur chercheur un temps d'absolue
liberté, en leur demandant de chercher avec l'intention de ne rien trouver...
parce que le hasard s'occupe finalement très bien des choses !
Alors, évidemment, le hasard n'est pas la passivité, et la chance, le
plus souvent, ne sourira, comme l'écrivait déjà Pasteur, « qu'aux esprits
préparés ». Assurément, mais le plus important n'est-il pas ici avant tout
la liberté. Cette liberté de musarder avec curiosité et ouverture d'esprit au
point qu'un proverbe japonais, que j'aime beaucoup, n'hésite pas à recommander à celui qui est pressé, de faire... un détour !
Ce détour, vous tous qui êtes présents aujourd'hui, vous l'avez fait. Je
suis persuadé que vous ne le regretterez pas !
2. V. ainsi CA Paris, 27 mai 1992, JCP E 1992, n° 1194, qualifiant le marabout de professionnel civil, car son activité consiste dans la fourniture de conseils et de directives.
3. Cass. 1re civ., 12 juill. 1989, RTD civ. 1990, p. 468, obs. J. Mestre.

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