Grands Colloques - Droit et surnaturel - 141

DROIT, FÉTICHISME ET SORCELLERIE EN AFRIQUE

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bien des fois la femme, l'enfant, la personne âgée, celle handicapée133, etc.
C'est dans ce contexte que la Charte africaine des droits de l'homme et
des peuples met à la charge des États le devoir d'assurer particulièrement
leur protection134. Si d'après un rapport de l'Union interafricaine des droits
de l'homme (UIDH), « la pauvreté a un visage féminin et juvénile en
Afrique »135, il semble qu'il en soit malheureusement de même de la sorcellerie136. C'est la raison pour laquelle les mesures de protection spécifiques
à ces deux catégories feront l'objet des lignes suivantes : une protection
particulière est prévue pour les enfants ; et des dispositions protectrices de
la femme profiteront aussi aux supposées sorcières.

1. La protection de l'enfant
Les États africains sont signataires de nombre d'instruments juridiques
universels et régionaux de protection des droits des enfants137. Ce fait mérite
d'être souligné tant la croyance en la sorcellerie, prégnante dans les sociétés,
est manifestement dans certaines situations à l'origine de la violation des
droits des enfants. Ainsi par exemple, un traitement discriminatoire peut
être imposé à un enfant par rapport aux autres membres de la fratrie
en fonction des circonstances qui ont entouré sa naissance, comme une
naissance par les pieds à laquelle on attribue une dimension spirituelle138.
C'est également le cas des jumeaux auxquels on impose un statut particulier : ils seraient détenteurs d'un pouvoir occulte et de ce fait investi d'un
rôle mystique qui les rend inquiétants au point d'être perçus comme une
menace139. La croyance en question peut être à l'origine d'infanticides, tels
les meurtres propitiatoires de jumeaux (que les ngbugu enterrent vivants,
car ils redoutent leurs pouvoirs occultes) ou d'enfants difformes (que
les ngbaka perçoivent comme la représentation d'un mauvais esprit qui
133. Cf. M. Raynal, Justice traditionnelle, justice moderne : le devin, le juge, le sorcier,
op. cit., p. 125.
134. La femme, l'enfant, les personnes âgées ou handicapées sont ainsi expressément visés.
Cf. art. 18 (3) et (4) de la CADHP.
135. H. Ouedraogo, Préface à UIDH, Rapport sur l'état des droits de l'homme en
Afrique, 2004-2005.
136. Le rapport établi en 2000 par la Commission africaine des droits de l'homme sur l'état
des prisons centrafricaines a mis en évidence l'inquiétante ampleur des emprisonnements des
personnes accusées de sorcellerie, en particulier les enfants et les femmes. V. B. Martinelli
et E. Ngjapou, « Présentation du colloque », in Sorcellerie et justice en République centrafricaine, Actes du colloque de l'Université de Bangui, préc.
137. Pour un aperçu, v. UIDH, Rapport sur l'état des droits de l'homme en Afrique, 20042005, p. 339 et s.
138. F. Lafargue, Religion, magie, sorcellerie des abidji en Côte d'Ivoire, op. cit., p. 142
et s.
139. M. Raynal, op. cit., pp. 60 et s., 125.

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