Grands Colloques - Droit et surnaturel - 63

CROIRE ET FAIRE CROIRE

a renoncé à donner une définition juridique des sectes pour les opposer
aux religions...
Mais dans cette hypothèse, si l'on empêche par la force une personne de
croire au surnaturel ou de se livrer à des pratiques surnaturelles, il semble
bien que toutes les conditions de responsabilité pour faute soient réunies. Il
existe bien un préjudice moral certain direct et portant atteinte à un intérêt
légitime : celui de la liberté de croyance - aussi fantasque soit elle. Il existe
également une faute : s'opposer à cette croyance.
Néanmoins, dans l'hypothèse où cette contrainte serait exercée dans
l'intérêt du croyant pour sauvegarder ce dernier de fréquentations ou de
pratiques dangereuses, on peut se demander si le fautif ne pourrait pas
invoquer un fait justificatif : l'état de nécessité. Après tout, cette contrainte
est justifiée par l'intérêt de la victime.
Imaginons un père ou une épouse qui contraint sa fille ou son mari à
ne pas adhérer ou pratiquer... Dans l'esprit du protecteur, la force est un
moindre mal que l'embrigadement. Pour autant, le fait de croire constituant
une liberté, cela ne peut pas être assimilé à un danger actuel ou une menace
imminente. Ce fait justificatif devrait donc être écarté.
Par ailleurs, on peut se demander si la liberté de croire ne s'accompagne
pas du droit à garder le secret quant à ses croyances. La jurisprudence
semble y répondre par la négative. Elle considère que le seul fait de révéler
la participation publique aux manifestations et aux pratiques d'un culte
autorisé ne porte pas atteinte à l'article 9 du Code civil7. En revanche, elle
indique qu'il en va autrement lorsque cette révélation a pour but de faire
déconsidérer cette personne ou de susciter une attitude discriminatoire8.
Il faut noter que dans la jurisprudence, considérant que la seule révélation
ne constitue pas une atteinte à la vie privée, la Cour de cassation statuait à
propos de religions autorisées... Mais qu'en serait-il en cas de révélation
de l'appartenance à une secte ou à toute autre croyance au surnaturel ? On
peut imaginer que la simple révélation publique de l'appartenance à une
secte ou la révélation d'une croyance en un phénomène surnaturel étonnant
ou encore celle d'une pratique particulière serait source de préjudice même
si le message porté est relativement neutre. Compte tenu de la connotation
négative attachée aux mouvements sectaires, ou à ce type de pratique, il y
a de fortes probabilités pour que la seule révélation de l'appartenance de
telle ou telle personnalité à un mouvement sectaire soit constitutive d'une
atteinte... Cela est d'autant plus probable que, dans un autre domaine que
7. Cass. 1re civ., 24 oct. 2006, Bull. civ. I, no 437 ; Légipresse 2007, III, p. 89, note A. Lepage,
D. 2007. Pan. 2776, obs. L. Marino.
8. Cass. 1re civ., 6 mars 2001, n° 99-10928 ; D. 2002, p. 248, note C. Duvert.

Grands Colloques - Droit et surnaturel

Table des matières de la publication Grands Colloques - Droit et surnaturel