Grands Colloques - Droit et surnaturel - 79

ENCHANTEMENTS ET (DÉS)ILLUSIONS

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réglée grâce à la fixation sur un support audiovisuel, qui permet de définir
précisément les « contours » de l'œuvre protégée.
Qu'en est-il, maintenant, de l'effet magique ? Peut-il être « protégé » par
le droit d'auteur ? C'est une question essentielle, parce que c'est bien dans
l'effet magique que réside pour l'essentiel la « valeur » du tour de magie.
Cette question a été posée aux tribunaux à l'occasion d'un contentieux qui
opposait deux illusionnistes.
Le magicien Dominic Webb a présenté en 1975 un numéro dans lequel
un piano à queue s'élève dans les airs et effectue une rotation sur lui-même.
Quelques années plus tard, en 1999, un autre magicien, Dani Lary, accomplit
un prodige comparable au cours d'une émission télévisée. Monsieur Webb
y voyant une reprise illicite de son propre numéro, il agit en contrefaçon
sur le fondement du droit d'auteur. Contrairement à ce qui avait été jugé
par le tribunal de grande instance de Paris, la cour d'appel considère que
le numéro était bien protégeable par le droit d'auteur7. Mais, et c'est là que
réside principalement l'intérêt de l'arrêt, ce qui est protégé c'est bien le
numéro dans son ensemble, en tant que spectacle vivant : l'originalité est
recherchée dans le costume, l'attitude du magicien, les effets de lumière, la
musique, etc. En revanche, le « principe » du tour, l'effet magique, n'entre
pas dans le champ de la protection.
Le fait de circonscrire de cette façon l'œuvre protégée, l'objet du droit
d'auteur, influence directement l'appréciation de la contrefaçon. Pour les
juges, si le second spectacle repose sur le même effet magique (un piano
qui virevolte dans les airs), le numéro dans son ensemble est très différent
de celui de Monsieur Webb : les décors, le costume, la gestuelle du pianiste
ne sont pas les même. La façon dont le piano évolue dans les airs diffère
aussi du numéro précédent. La cour d'appel considère donc qu'il n'y a pas
de contrefaçon : seul l'effet magique est repris, à l'exclusion du numéro,
et cet effet magique - c'est-à-dire un piano volant - n'entre pas dans le
champ du droit d'auteur.
La solution aurait pu être différente si le second magicien avait repris
les éléments de scénographie du premier spectacle. C'est d'ailleurs ce qui
avait été jugé quelques années auparavant à propos du numéro flying de
David Copperfield. La reprise du célèbre tour a été sanctionnée par le
tribunal de grande instance8 puis la cour d'appel de Paris9, mais, ici, ce qui
était reproché au contrefacteur était bien la reprise de la mise en scène, de
la chorégraphie, et non pas la reproduction de l'effet magique, consistant
7. CA Paris, 4e ch. A, 17 décembre 2003, D. 2004 p. 1588.
8. TGI Paris, 3e ch., 20 décembre 1996, RIDA 3/1997, p. 351.
9. CA Paris, 4e ch. B, 30 avril 1998, RIDA 4/1998, p. 155, obs. A. Kéréver.
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