Hors collection - Qu'est-ce qu'une discipline juridique ? - 111

NADeR HAKIM

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l'œuvre codificatrice, fournit au contraire des outils pour restituer une assise
romaine au droit positif servant de formation aux étudiants auxquels on ne
doit plus présenter des principes simples, immuables et définitifs, mais des
éléments de compréhension du droit positif et un moyen d'apprentissage des
ressorts fondamentaux de la science juridique. Ni rudimentaire et amputé
pour le faire entrer de force dans l'œuvre codificatrice, ni trop comparatiste
au risque d'être trop érudit et difficile, l'enseignement du droit romain doit
servir d'initiation à une science non limitée à la dogmatique la plus vulgaire56.
Firmin Laferrière ne s'y trompe pas. Pour lui, le projet de Jourdan est
de « remonter à ce qui avait fait la grandeur et la puissance du droit romain,
à cette haute philosophie qui avait éclairé et soutenu les jurisconsultes dès
l'époque des Antonins, et il appela de tous ses vœux et de tous ses efforts
l'alliance de la philosophie et du droit : mais il devançait un peu son époque
dans ces aspirations. Il fallait d'abord revenir à l'étude critique, réelle, exégétique, des textes du droit romain, étude qui s'étendait avec la rapidité de
l'enthousiasme en Allemagne, et qui était peu cultivée en France »57.
Malgré les doutes qui assaillent les romanistes le plus savants et malgré
les réformes, l'enseignement du droit romain reste toutefois globalement
stable. Si la méthode historique progresse indubitablement, le droit romain
demeure l'un des éléments du socle fondamental d'une éducation juridique
fondée sur l'apprentissage d'un droit codifié devant échapper aux fluctuations et aux critiques. La réglementation des facultés de droit veille d'ailleurs
scrupuleusement à l'application de programmes scellant ce rôle. Il suffit de
citer en l'occurrence l'arrêté du Conseil royal de l'Instruction publique du
22 septembre 1843 qui, dans le cadre du premier examen de baccalauréat,
divise très dogmatiquement le programme de révision de droit romain (dans
une logique proche du découpage opéré à propos des examens relatifs au
Code civil) : le premier examen de baccalauréat porte ainsi uniquement « sur
les deux premiers livres et sur les dix-sept derniers titres du troisième livre
des Institutes de Justinien. » Calque de l'enseignement du droit civil dans
l'ordre du Code, cette discipline conserve son objectif de diffusion stricte
d'une technique et d'une culture au service du droit positif, et ce, jusqu'à
la fin de la première décennie de la Troisième République. en marge des
d'idées reçues, beaucoup d'opinions facilement admises. en un mot, il dépouille de toute
la science qu'ils avaient acquise, certains savants qui ne veulent pas prendre la peine d'en
acquérir une autre. Gaius est bien coupable ! » (« observations sur l'enseignement du droit
romain », op. cit., p. 22).
56. Pour une intéressante comparaison avec l'Angleterre, cf. H. Summer Maine, « Le droit
romain et l'éducation juridique », dans Études sur l'histoire du droit, ernest Thorin, 1889,
p. 363 et s. (le texte est la reprise de ses Cambridge Essays datant de 1856).
57. « Introduction historique à la table collective des revues de droit et de jurisprudence »,
dans Tables analytiques de la revue de législation et de la revue critique, de législation et de
jurisprudence, précédées des tables de la Thémis et de la revue de droit français et étranger,
par Coin-Delisle et Charles Million, Cotillon, 1860, p. vi-vii.

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