Hors collection - Qu'est-ce qu'une discipline juridique ? - 362

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RAPPoRTS De SYSTÈMeS eT CADRe DISCIPLINAIRe

de l'union européenne, puisque désormais le droit de l'union européenne
est enseigné dans les différentes matières contribuant à la formation des
étudiants ; il suffirait d'un cours d'institutions européennes, en première
année de licence, comme si l'existence d'un cours d'institutions judiciaires
dispensait les étudiants de suivre des cours de procédure civile ou pénale,
ou comme si l'existence d'un cours d'institutions administratives rendait
superflus les cours de droit administratif général ou spécialisé... La réforme
des programmes de concours d'entrée à l'École nationale d'administration en 2013-2014, ou les débats sur la présence d'une épreuve centrée sur
droit de l'union européenne et de la Convention européenne des droits
de l'homme dans le concours d'agrégation de droit privé, fournissent des
illustrations significatives de ces démarches plus ou moins conscientes
de banalisation du droit européen. L'université doit aussi réfléchir aux
difficultés rencontrées par certains doctorants de droit européen, qui par
définition, ignorent la distinction académique du droit public et du droit
privé, pour bénéficier de contrats doctoraux encore attribués selon des
ventilations disciplinaires classiques, ou d'être assurés que leurs travaux
feront l'objet d'un examen adéquat au Conseil national des universités.
Loin de toute revendication corporatiste, on peut donc s'interroger sur
la nécessité d'un statut disciplinaire autonome du droit de l'union et du
droit de la Convention européenne des droits de l'homme, qui traduirait
le fait qu'il convient de maîtriser les spécificités du système juridique de
l'union ou du droit des droits fondamentaux, ainsi que de leurs « rapports
de système » et de leurs articulations normatives avec le droit interne.
une seconde justification peut être avancée, qui est liée à l'autonomisation des concepts et des méthodes de « l'ordre juridique propre » créé par
les traités, pour parler comme la Cour de justice. Il ne faut jamais oublier,
comme le disait le Président Robert Lecourt, qu'il n'y a pas de marché
commun sans règle commune, ni de règle commune sans transcendance
sur la loi, ni de transcendance sans interprétation juridique uniforme23.
L'utilisation, que ce soit par la Cour européenne des droits de l'homme24
23. V. R. Lecourt, Le juge devant le marché commun, Genève, IHeI 1970 ; L'Europe des
juges, Bruxelles, Bruylant, 2008.
24. Si l'on s'en tient aux hypothèses de qualification expresse par le juge, on peut penser
par exemple aux notions d'arrestation, de droits et obligations de caractère civil, de matière
pénale, de témoins, d'accusation, de peine, de biens... Mais la liste est sans doute plus
longue si l'on inclut, comme le fait généralement la doctrine, les notions suivantes : aliéné,
autorité du pouvoir judiciaire, impartialité, condamnation, contestation, correspondance,
détention, domicile, loi, magistrat, partie lésée, privation de liberté, tribunal, vagabond,
victime, vie familiale, vie privée, convictions religieuses et philosophiques : v. sur ce point
F. Sudre, « Le recours aux notions autonomes », in IDeDH, F. Sudre (dir.), L'interprétation
de la Convention européenne des droits de l'homme, Bruxelles, Nemesis, Bruylant, 1998,
p. 93 et s. spéc. p. 95 et s. ; v. également e. Kastanas, Unité et diversité : notions autonomes
et marge d'appréciation des États dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits
de l'homme, Bruxelles, Bruylant, 1996 ; v. également F. ost, « originalité des méthodes
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