Bibliothèque de droit public - Les normes non directement applicables en droit public français - Tome 287 - 111

L'ABSENCE D'APPLICABILITÉ DIRECTE LIÉE AUX CRITÈRES TECHNIQUES

Aurélie BRETONNEAU, la situation peut être expliquée par la conception
contractualiste des traités internationaux adoptée par le juge administratif : « par
la nature essentiellement contractuelle des normes internationales, sur laquelle l'assemblée (...) semble avoir assis de larges pans de son raisonnement »82.
177. La conception contractualiste des traités internationaux se retrouve
dans l'arrêt de la Cour permanente de justice internationale de 1926, portant sur
Certains intérêts allemands en Haute Silésie polonaise83, qui précise qu'« un traité
ne crée ni obligations, ni droits pour un tiers sans son consentement » et se manifeste
également dans la lettre des articles 34 à 37 de la Convention de Vienne de 196984.
Les principes inhérents à l'effet relatif des traités internationaux ne concernent
pourtant que les États, seuls sujets du droit international. Malgré le développement en droit international des traités, de normes impératives relativement indépendantes de la volonté des États85 ou encore de la notion de responsabilité objective dans les travaux de la Commission du droit international des Nations Unies,
la conception volontariste et contractualiste des engagements internationaux
reste fortement dominante86. « Cela signifie que du point de vue du droit international et même dans les systèmes conventionnels les plus intégrés, l'engagement ne se
départit jamais totalement de sa nature contractuelle et que c'est cette qualité qui est
à la base du système d'application des engagements internationaux en droit international comme en témoignent les règles retenues par la Convention de Vienne de
1969, ainsi que le régime de responsabilité internationale »87.
178. Pour autant le droit international n'affirme-t-il pas que le contrat ne lie
pas les individus ni qu'ils doivent être considérés comme des tiers à ce contrat. Par
conséquent, le juge international qui déclare qu'une stipulation peut créer des
engagements internationaux dans le patrimoine juridique des individus, les conditions posées par le juge
administratif à la jouissance de ce patrimoine divergent en fonction de l'origine de son contenu. Ainsi, on
a vu à travers la jurisprudence Garcia Henriquez, Mme Bouilliez et Union juridique RhôneMéditerranée que le plaideur doit avancer la lésion d'un droit subjectif et ainsi prouver que le texte
international invoqué avait bien pour objet de créer de tels droits, pour pouvoir en exiger la protection ».
82. BRETONNEAU A. et DOMINO X., Les aléas de l'effet direct, note sous CE Ass. 11 avr. 2012,
Groupe d'information et de soutien des travailleurs immigrés (GISTI) et Fédération des associations
pour la promotion et l'insertion par le logement (FAPIL), in Chronique générale de jurisprudence administrative française, AJDA, 2012, p. 936 à 942, note 8 p. 937.
83. CPJI 25 mai 1926, Certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise, Recueil des arrêts
de la CPJI, Série A, n° 7, p. 29. Cette conception traditionnelle rejoint, d'ailleurs, celle de l'obligation
en droit international et est notamment exprimée dans la jurisprudence de la Cour permanente de
justice internationale. Cf. CPJI, avis consultatif, 7 sept. 1927, France c. Turquie, affaire du S.S. Lotus,
Recueil des avis consultatifs de la CPJI, Série A, n° 10, p. 18.
84. L'article 34 précise qu'« un traité ne crée ni obligations ni droits pour un État tiers sans son
consentement », les articles 35 à 37 prévoient un aménagement au principe de l'effet relatif, dans les cas
où l'État tiers accepte que les effets de l'engagement l'atteignent.
85. L'article 53 de la Convention de Vienne est relatif aux traités en conflit avec une norme
impérative du droit international général (jus cogens), et stipule : « est nul tout traité qui, au moment de
sa conclusion, est en conflit avec une norme impérative du droit international général. Aux fins de la présente Convention, une norme impérative du droit international général est une norme acceptée et reconnue par la communauté internationale des États dans son ensemble en tant que norme à laquelle aucune
dérogation n'est permise et qui ne peut être modifiée que par une nouvelle norme du droit international
général ayant le même caractère ».
86. En effet, ces évolutions ne concernent qu'un faible nombre de normes, souvent relatives à la
protection de certains droits de l'homme et la responsabilité objective des États relève, pour l'instant,
davantage de la théorie du droit que du droit positif.
87. TIGROUDJA H., op. cit., p. 163.

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