Bibliothèque de droit public - Les normes non directement applicables en droit public français - Tome 287 - 161

UNE FORCE OBLIGATOIRE RÉELLE

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directive. Dans son arrêt, la Cour de justice constate le manquement d'un État
membre. L'inexécution de cet arrêt par l'État est une violation de l'article 260,
alinéa 1er, du TFUE qui l'expose à des sanctions financières95. De plus, le recours
en constatation de manquement offre à la Commission la possibilité d'exercer son
rôle de gardienne des traités. L'intensité du contrôle de la Cour de justice varie en
fonction du degré d'intensité normative de la directive, « allant d'une exigence de
rigoureuse conformité en présence de dispositions très détaillées à une exigence de
simple compatibilité dans l'hypothèse où la directive fixe des objectifs relativement
généraux »96. La Cour de Luxembourg peut également être amenée à contrôler le
respect de cette obligation dans le cadre de la procédure de l'article 267 du TFUE,
à l'occasion de questions préjudicielles adressées par les juridictions nationales en
interprétation des dispositions de la directive97.
280. Enfin, à cette obligation de fidélité de la transposition aux dispositions
de la directive européenne correspond réciproquement l'obligation de ne pas édicter ou maintenir des réglementations qui soient incompatibles avec le contenu de
la directive98.
b) Le respect du sens des notions européennes
281. L'opération de transposition d'une directive européenne révèle sa particularité dans l'exigence de la prise en compte des deux ordres juridiques distincts
entre lesquels elle forme un lien. L'acte de transposition doit respecter le sens et la
portée des notions juridiques employées dans le texte de la directive, afin que
celui-ci puisse remplir son rôle d'harmonisation des législations. Une des raisons
d'être de la transposition est d'intégrer dans les ordres juridiques nationaux des
dispositions précises, qui doivent donc recevoir une application et une interprétation identiques dans l'ensemble des États membres. Le sens et la portée à donner
au texte de la directive doivent être les mêmes sur l'intégralité du territoire de
l'Union européenne, ce qui explique l'existence d'une contrainte précise de vocabulaire pesant sur l'acte de transposition. Le vocabulaire utilisé doit impérativement être de nature à traduire fidèlement les termes employés par la directive,
leur sens et leur portée. Cette obligation, résultant de la nature même de la directive européenne, amplifie la difficulté que représente l'opération de transposition. Le Conseil d'État relevait déjà ce facteur de complexité en 199299, prenant
comme exemple les termes de « marchés publics » ou d'« emplois publics ». Les
interprétations et qualifications dissemblables, qui pourraient résulter de cultures
95. « Si la Cour de justice de l'Union européenne reconnaît qu'un État membre a manqué à une des
obligations qui lui incombent en vertu des traités, cet État est tenu de prendre les mesures que comporte
l'exécution de l'arrêt de la Cour ».
96. SIMON D., La directive européenne, Paris, Dalloz, Connaissance du droit, 1997, p. 109.
97. « La Cour de justice de l'Union européenne est compétente pour statuer, à titre préjudiciel :
a) sur l'interprétation des traités, b) sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions,
organes ou organismes de l'Union. Lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des
États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre
son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question. Lorsqu'une telle question est soulevée
dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un
recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour. Si une telle question est
soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale concernant une personne détenue, la
Cour statue dans les plus brefs délais ».
98. Voir infra, Section II, § I, B « Les obligations dérivées », § 316 et suivants.
99. Conseil d'État, Rapport public annuel 1992, Le droit communautaire, EDCE, n° 44, Paris, La
Documentation française, 1993, en particulier p. 44.

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