Contextes - Penser l'ordre juridique médiéval et moderne - 152

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LA NORMATIvITÉ

permet de préciser et prolonger la dialectique du normal et de l'exceptionnel
que nous avions esquissée précédemment111. qu'elles résultent d'une crise
majeure (crise conciliaire, réforme protestante, guerres civiles) ou d'une
situation plus ordinaire (les conflits roi/parlement, officiers/commissaires,
voire des procès parfois anodins, comme en attestent les arrêtistes), les
épreuves ne constituent pas une situation de hors droit et n'exigent pas
de suspension du droit en tout ou partie. Elles mettent en crise certaines
normes et imposent de les reconfigurer, de les ajuster. Plus précisément,
elles mettent à l'épreuve le normal (les conventions ordinaires et implicites de sens) et conduisent à la formalisation d'une nouvelle convention,
objectivement normée cette fois. La notion d'épreuve est en cela tout à fait
pertinente pour rendre compte de la façon dont des conflits entre des institutions se traduisent par des ajustements, micro- ou macro-juridiques. La
construction progressive de la validité procède de ces ajustements successifs
par lesquels les conditions de positivité se précisent peu à peu, à mesure
qu'il devient nécessaire de mieux définir les critères d'évaluation et les
compétences des institutions qui en sont chargées.
Si tel est le cas, cela signifie que la validité ne désigne pas une condition
précise quelle qu'elle soit, mais recouvre tout un ensemble de réponses - i. e.
d'opérations de validation - à des épreuves de normativité et de juridicité.
Celles-ci localisent l'enjeu de certaines zones-frontières du droit et déterminent sa reconfiguration réflexive dans la norme nouvelle ou ajustée, dans
l'interprétation qui en est donnée ou dans la réinterprétation doctrinale
qui la suit. Ces épreuves sont d'une diversité infinie, autant que les litiges
eux-mêmes. Certaines sont toutefois majeures. En matière de normativité,
elles peuvent toucher la connaissance, la preuve (au sens le plus large),
l'argumentation, l'interprétation, la casuistique. En matière de juridicité,
elles concerneront davantage la validité, l'authenticité, la preuve (au sens
restreint), l'autorité, la puissance, la volonté, les sources, les procédures ou
les méta-normes (origine du droit ou pré-constitutionnalisme par exemple).
La liste ne peut être exhaustive.
Le droit se nourrit de ces épreuves et de la réponse qu'il leur apporte. Il se
construit ainsi en ordre, non en imposant des normes qui statufient le social
mais à mesure qu'il concrétise son caractère opératoire et pragmatique par
sa capacité à convertir les épreuves en normes. L'histoire du droit moderne
n'est pas la généalogie d'un ordre juridique autonome. Elle est la manifestation du caractère intrinsèquement historique du droit, cette succession
d'épreuves et de reconfigurations réflexives au travers desquelles le droit
s'affirme comme ordre spécifique de contrainte par sa capacité à rester en
prise avec les situations et avec l'histoire.
111. Fr. F. Martin, Justice et législation sous le règne de Louis XI..., op. cit.

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